Un évangile pour les simples d’aujourd’hui (2)
Natuzza Evolo (1924-2009) – Profil spirituel et mystique
Une âme prédestinée est une initiative de Dieu qui vient au-devant d’une génération pour la réveiller, l’instruire et la corriger. Le message divin, loin d’être seulement notionnel, prend la figure d’un être bien incarné qui devient une lettre d’amour intelligible pour tous. C’est en ce sens que le portrait moral et spirituel de Natuzza nous est offert aujourd’hui1.
Les fondements
Natuzza était d’une humilité confondante. Don Michele Cordiano, son Père spirituel, en était stupéfait, au point d’en être embarrassé. Sa pénitente le bombardait de questions auxquelles il avait du mal à répondre. Pareille à l’auteur de l’Apocalypse, elle avait la vision de la Gloire éternelle; ses professeurs immédiats étaient Jésus et Marie; elle jouissait du discernement des anges; elle entrait en dialogue avec les saints… son confesseur apprenait tout d’elle… et pourtant elle considérait qu’elle ne savait rien. Elle mendiait sans arrêt des explications sur les choses de la foi, elle demandait des conseils sur la conduite de sa vie… (114-5).
La Croix était l’autre base ferme de son édifice spirituel. Dès son enfance, Natuzza a été immergée dans la souffrance et elle ne s’en est jamais plainte. Cette acceptation magnanime a touché le cœur de Dieu. C’est en partie à cause de cette générosité franche qu’elle a été choisie. Jésus le lui explique carrément lors du Carême 1982: «Je t’ai choisie depuis le sein de ta mère… Je voudrais tant d’amis comme toi, des amis qui s’offriraient en victimes comme tu t’es offerte, toi. Mais, au contraire, beaucoup ont peur de mon amitié. Pour la moindre souffrance ils cessent de me connaître et ils se rebellent» (60). Pourtant, Jésus n’est pas un bourreau sadique. Il considère que la douleur est une nécessité de rédemption. Mais il compatit aux douleurs de sa servante. Au cours du Carême 1991, il confie à sa victime volontaire ses affectueux sentiments:
«Ne me demande pas d’autres souffrances. Celles que je t’ai données suffisent; je devrais même les diminuer, parce qu’elles sont trop grandes. Tu as toutes les blessures sur ton corps. Ça me fait mal au cœur de te voir souffrir. Mais je dois user de toi pour expier les péchés du monde» (61).
Telle est la loi de la Rédemption. Après son élection, la première homélie du pape François a été claire: «L’Eglise, sans la croix, est seulement une ONG pieuse, rien de plus qu’une organisation humanitaire capable d’assister, mais pas de transformer la douleur en amour, en vie éternelle.»
Bonne jusqu’à l’excès?
Jésus est à la fois justice et miséricorde et il demande à sa bien-aimée d’être comme lui.
Jésus veut que son élève se montre dure envers ceux qui s’obstinent sur la voie du péché. Il réclame cette rigueur envers ceux qui entraînent les jeunes sur la mauvaise voie. Il trouve que son amie est trop bonne poire: «Tu t’occupes de tout et de tous. Ils ne te laissent pas en paix. Quand deviendras-tu autoritaire? Dans l’autre monde? Tu es devenue forte seulement face à la souffrance. Mais il me semble que ce paratonnerre est devenu trop fort et puissant» (167).
En matière de justice, Natuzza ne sait pas faire! Elle ne sait que souffrir et offrir la miséricorde. Jésus lui en fait la remarque: «Tu as le cœur grand comme le monde… Il est inutile que tu me réclames quatre-vingts ans de purgatoire, parce que tous ceux que tu m’as recommandés sont avec nous.» La plaignante estime que ce n’est pas encore assez: «Vous m’avez fait la grâce. Mais je veux que tout le monde soit sauvé, qu’aucun ne reste extérieur à l’éternité. Pas seulement ceux que je vous ai recommandés» (168).
La générosité de cette âme fait «craquer» Jésus au point qu’Il se laisse aller à des propos qui nous sembleraient excessifs s’ils ne relevaient pas du langage mystique. Au cours des Carêmes 1982, 1983, 1991, Jésus se livre à des déclarations d’amour dithyrambiques: «Dès ta naissance je t’ai mise au milieu d’une bande de loups et, avec ton humilité, ta charité tu les as transformés en agneaux… Tu viens juste après la Mère dont je suis né des entrailles … Tu es la lumière de mes yeux, après ma Mère… Ma fille, je t’aime autant que ma Mère. En premier vient ma Mère, ensuite tu viens, toi…» (60-1).
Une débauche de charismes
Nous ne nous attardons pas ici sur la liste impressionnante des charismes de Natuzza favorisée dès son enfance de la vision de Jésus et de Marie. Elle est en relation constante avec son ange gardien qui n’est autre que saint Michel. Elle voit habituellement l’ange protecteur de ses interlocuteurs, ce qui l’aide à débrouiller les querelles de ménage.
La sybille de Paravati (Calabre - Italie) est également marquée des signes de la Passion. Elle gère ce charisme de façon moderne, originale et peu conforme à la tradition spirituelle antérieure. De façon presque indécente il lui arrive de montrer ses stigmates, de faire étalage des hémographies, de parler à la télévision. Ce style nouveau et ostentatoire est permis par le Ciel à l’époque des médias et ne nuit pas à son humilité abyssale.
Nous commençons à comprendre le sens ultime et spécifique du don qui nous est fait en la personne de Madame Evolo. Tandis que sainte Catherine de Ricci, la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, Thérèse Neumann ou Marthe Robin nous transportent de préférence au Ier siècle, Natuzza nous présente Jésus et Marie allant au-devant de la modernité. Voilà ce qui peut être vraiment utile à notre âme.
Le Christ et sa Mère, comme dans les écrits de Maria Valtorta, arrivent à nous dans leur concrète humanité. Ils sont nos compagnons de tous les instants. Les bras ouverts, ils volent au secours de tous les «déjantés» de la terre. Cette «bonne nouvelle», bien mise en valeur par Sœur Elvira et Lello est pour nous source d’une joie ineffable à l’heure où semblent triompher la désespérance et la confusion.
Sainte Thérèse d’Avila, arrivée au sommet de l’union mystique, a l’audace d’écrire: «Tel est le but de l’oraison, mes filles; voilà à quoi sert ce mariage spirituel: donner toujours naissance à des œuvres, des œuvres» (7e Demeures IV, 7).
Dans un article ultérieur nous aurons peut-être l’occasion de voir quelle a été, dans la pensée du Ciel, la Mission de Natuzza Evolo et comment sa sainteté a fleuri en fondations multiples.
Père Marc Flichy
Note:
1. Le présent article s’appuie sur le livre de Roberto Italo Zanini: Natuzza Evolo come Bibbia per i semplici (San Paolo 2013). Les chiffres mis entre parenthèses se rapportent à la pagination de ce livre.
Légende photo:
Natuzza avec l’ancien évêque de Mileto, Mgr Luigi Renzo, qui a célébré ses obsèques et fait les premières démarches pour donner l’envoi à l’iter de béatification.