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Le saint Père Pel (1878-1966)

Témoignage par l’un de ses fils spirituels: Bernard-Marie, ofs

Dans mon adolescence, j’ai connu un prêtre particulièrement fervent, l’abbé Pel, qui accepta de devenir mon Père spirituel en juillet 1963. Je l’ai fréquenté de 1961 à 1966, année de son décès.

Un couple alsacien de ma famille, qui le recevait souvent lors de ses prédications de retraites, m’en parlait depuis longtemps. Selon eux, le Père Pel n’était rien moins qu’un saint.
Sa notice nécrologique, publiée en 1966 par le diocèse de Belley, ne le laissait guère supposer. On pouvait y lire: «L’abbé Constant Louis Marius [ailleurs: Marie] Pel est né à Lantenay (Ain) de François Honoré Pel et de Marie Emilie Pélisson. Il fut ordonné prêtre le 1er juin 1901 à Brou (Bourg) par S.E. Mgr Luçon, évêque de Belley. Licencié ès-lettres devant la faculté de Lyon en 1902, devint professeur au Petit Séminaire de Meximieux de 1903 à 1907, puis à l’Institution Lamartine de Belley de 1907 à 1923 [vers 1915/1916, son évêque lui refusa l’exeat qui lui aurait permis d’aller rejoindre son ami ermite, Charles de Foucauld]. Il fut nommé auxiliaire au sanctuaire du bienheureux Pierre Chanel à Cuet en 1923, puis détaché au Patriarcat latin de Jérusalem en 1924 [pour aider à la fondation d’un sanctuaire marial près d’Abbou-Gosh]. Il fut ensuite incardiné au diocèse de Troyes le 9 novembre 1926 et, peu après, au diocèse d’Ajaccio [où il exerça un ministère paroissial entre autres à Corte; après la guerre, il vécut sa retraite en tant que missionnaire interdiocésain, circulant entre la Seyne-sur-Mer, Avignon, Paris, Mulhouse et Assais (Deux-Sèvres) où il décéda le 5 mars 1966 des suites d’un accident de voiture survenu le 20 janvier. Ses funérailles furent célébrées à Assais le mardi 8 mars.»
Durant son petit séminaire à Belley, le jeune Constant Pel bénéficia, comme ses camarades, de la remarquable influence du chanoine Antoine Crozier (1850-1916). Ce disciple immédiat du Bienheureux Antoine Chevrier avait en charge, depuis 1893, la direction spirituelle du collège, responsabilité qu’il dut abandonner en juillet 1904 du fait des expulsions ordonnées par le gouvernement anticlérical de l’époque. Le Père Prosper Monier, s.j., un condisciple du jeune Constant à Belley, voulut bien nous confier ses propres souvenirs: «Le Père Crozier disait volontiers de lui: “Pel, c’est un saint, mais pas comme les autres”. Il vivait en communion totale avec le Christ-Jésus… Je n’ai jamais pu avoir avec lui une conversation autre que spirituelle… Quand je l’ai connu, il avait déjà perdu son œil gauche, ce qui a permis plus tard à ses élèves de chanter: «L’abbé Constant Pel, toujours l’œil au ciel!»… Il avait tendance à croire à toutes sortes de visions et apparitions non reconnues, ce qui lui occasionna des difficultés avec la hiérarchie ecclésiastique. Un jour, je demandai à un vicaire général pourquoi on l’avait interdit dans son diocèse. Il répondit: “Que voulez-vous qu’on fasse avec un saint?” En fait, Pel n’était pas banal.» (lettre à B.-M. du 28.02.72).
La piété du Père Pel ne fut jamais mise en cause par quiconque, mais plutôt son aptitude à bien discerner dans les cas de mystique hors normes. En avril 1972, j’en avais touché un mot à Jacques Maritain qui m’avait répondu: «Je n’ai aucun souvenir précis de mes rencontres avec le Père Pel [à Meudon], sinon l’impression qu’il était grand amateur de visions et révélations que je tenais moi-même pour fort douteuses.» (lettre à B.-M. du 10.04.1972). Pel lui-même était conscient de son penchant à accorder trop de crédit aux conseils et messages de mystiques non reconnues (pratiquement toutes des femmes), mais je l’ai entendu s’en justifier ainsi: «Oui, les apparitions sont parfaitement possibles, particulièrement convenables, je dirais nécessaires. Supposez que, depuis vingt siècles, la Vierge Marie soit là-haut au Ciel à jouir de sa gloire et n’ait jamais laissé entendre sur terre le son de sa voix, qu’elle n’ait jamais laissé paraître un rayon de sa lumière, qu’elle n’ait jamais manifesté à ses enfants de la terre un seul sentiment d’affection et d’intérêt, est-ce que nous pourrions croire encore que c’est une Maman? La très Sainte Vierge peut et doit faire sienne la parole de N.S. Jésus-Christ: “Je ne vous laisserai pas orphelins: je viendrai à vous!” (Jn 14, 18). En Mère qu’elle est, la Sainte Vierge prend en compte cette parole. On ne devrait donc pas s’étonner qu’elle vienne, mais plutôt s’étonner si elle ne venait pas. Eh bien! N’ayons pas peur: elle vient, elle est venue et elle reviendra encore!»
Ayant personnellement suivi plusieurs retraites du Père Pel, je peux au moins porter ce témoignage que, même s’il lui arrivait d’évoquer en chaire une révélation privée contemporaine, il ne le faisait pas pour la promouvoir comme telle, mais seulement comme preuve supplémentaire de la bonté divine qui vient chercher ses brebis blessées et égarées là où elles sont, y compris dans les endroits les plus inaccessibles. Ce qui lui importait avant toute chose, c’était de recentrer l’attention de son auditoire sur l’Amour divin manifesté au mieux dans le Cœur ouvert du Crucifié et dans l’Eucharistie, sacrement de sa divine Présence. Combien de fois l’ai-je entendu s’exclamer: «Ah! mes amis, pensez-y bien: ce n’est pas quelque chose qui est là dans ce Tabernacle, c’est Quelqu’un!»
Ses messes étaient en soi de véritables prédications en faveur de la Présence réelle. Ses messes de semaine duraient environ trois quarts d’heure et son action de grâce un bon quart d’heure, voire davantage selon les circonstances. En Alsace dans le Hohwald, fin juillet 1963, après ses conférences, je l’ai souvent vu prosterné durant des heures devant le Tabernacle, adoration faite toujours à genoux et qu’il prolongeait après son repas du soir au moins jusqu’à minuit. Il prenait aussi grand soin de réciter tous les jours son chapelet et son bréviaire en latin, me confiant que c’était pour lui «une source de joie toujours renouvelée». Sauf peut-être à Lourdes, je n’ai jamais vu des queues aussi longues devant un confessionnal que lorsque lui-même confessait. Dans ces moments-là, il nous faisait toucher encore davantage la miséricorde divine. En sortant de son confessionnal, on se sentait comme après un baptême, tout neuf, tout pur, tout abandonné. Il n’avait pas habituellement de lumières particulières durant l’aveu de nos péchés. Ce n’était ni le Curé d’Ars, ni le Padre Pio, mais il avait cependant une grâce particulière, celle de nous faire sentir que nous ne nous confessions pas d’abord à lui, humble ministre, mais bien directement au Seigneur Jésus lui-même. Un jour, à la chapelle de la rue Cortambert à Paris, alors que nous étions une bonne vingtaine de pénitents attendant notre tour, j’aperçus non loin deux personnes qui se hâtaient vers la sortie, un homme âgé et une dame plus jeune. Soudain, je vis le Père Pel sortir de son confessionnal, venir parler à la dame qui passait et qui semblait très surprise. Il lui tint un peu le bras et l’amena doucement vers son confessionnal. Il fit sortir la personne qui s’y trouvait encore et invita la dame rencontrée à s’agenouiller, ce qu’elle fit, à la grande surprise de la dame précédente qui avait été priée de s’interrompre dans sa propre confession. Dans la vie du Père Pel, ce genre d’inspiration miséricordieuse pouvait survenir à tout moment, car c’était vraiment l’Amour divin qui menait sa barque et soufflait dans ses voiles. Dans l’une de ses lettres au Père Crozier, le bienheureux Charles de Foucauld écrivait: «Le Cœur de Jésus m’a fait une grande grâce en vous inspirant de me mettre en union avec l’Abbé Pel.» (lettre du 12.05.1911). C’est dire que la réputation de sainteté du jeune prêtre était déjà bien connue de son entourage.
Après sa mort, de pieux zélateurs parlèrent beaucoup de ses grâces mystiques, souvent avec exagération, car le Père Pel lui-même était d’une discrétion absolue sur tout ce qui concernait sa vie intérieure. Néanmoins, nous avons pu recueillir sur le sujet un témoignage certainement authentique d’un prêtre qui le fréquenta dès 1918 et qui fut souvent son confesseur occasionnel. Il s’agit de l’abbé R. Gâteau, curé d’Assais, village où l’abbé Pel célébra sa dernière messe. En 1973, il me confiait: «Durant l’enterrement de notre cher Père Pel, j’ai fait état d’une confidence qu’il m’avait faite il y a bien des années, me priant de n’en rien dire jusqu’à sa mort. Voici à peu près ses paroles: “Agé d’une quinzaine d’années [donc en 1893], je revenais de chez le Père Crozier. J’ai tout à coup senti, même physiquement, que mon cœur m’était arraché de la poitrine et que le Cœur de Notre Seigneur m’était mis à la place. Depuis, je puis dire que je n’ai jamais été tenté de pécher volontairement contre la charité.”» (témoignage recueilli par B.-M. à la cure d’Assais, 28.08.73). Cette grâce de l’échange des cœurs n’est pas unique dans l’Eglise, que l’on pense par exemple à sainte Catherine de Sienne, mais il est impressionnant d’apprendre que l’un de nos proches a pu en bénéficier, et donc par contre-coup nous aussi. Ce que l’on sait peut-être encore moins, c’est que le Père Pel aspirait à offrir sa vie en tant que martyr d’amour à la gloire de son Seigneur et Maître. Peu de temps avant son accident, il l’avait confié sous forme d’une prière-poème à Sœur Marie-Athalle de Bernwiller, qui nous l’a transmise en juillet 1967: « Ô mon doux Maître, pour que ton prêtre fasse connaître ta loi d’amour, je suis ravi d’être choisi comme une hostie et sans retour! − Prends! C’est mon âme, elle réclame d’être une flamme, brûlant pour toi! Comme au calice, avec délice, le sacrifice sera sa loi. − Pour être pur, ô je suis sûr que sans mesure, il faut souffrir! Puisque je t’aime d’amour extrême, je veux quand même pour toi mourir!»

Bernard-Marie, ofs

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