L’Edit de recensement
Maria Valtorta
Je vois encore la maison de Nazareth: la petite pièce où se tient habituellement Marie pour les repas…
«Je me rends compte que sa grossesse est très avancée. Mais elle est encore si belle. Sa démarche est aisée, et gracieux est tout son comportement. Rien de cette lourdeur que l’on remarque chez la femme qui va bientôt donner le jour à un enfant. Seul, le visage est changé.
Maintenant, c’est “la femme”. Tout d’abord, au temps de l’Annonciation, c’était une toute jeune fille, au visage calme, mais qui ignore: un visage d’enfant innocent. Depuis, dans la maison d’Elisabeth, au moment de la naissance du Baptiste, son visage s’était plus affiné, sa beauté avait mûri. Maintenant, c’est le visage tranquille, mais empreint d’une douce majesté de la femme qui atteint sa perfection dans la maternité. Marie, maintenant est devenue réellement “la femme”, pleine de dignité et de grâce. Même son sourire s’est épanoui en une douceur majestueuse. Comme elle est belle!
Joseph entre. Il semble revenir du pays, car il entre par la porte extérieure et non par celle de l’atelier. Marie lève la tête et lui sourit. Joseph lui sourit aussi. Mais il semble fatigué, préoccupé. Marie l’observe, se demandant ce qu’il y a. Puis elle se lève, prend le manteau que Joseph est en train d’enlever et le pose sur une banquette. Joseph s’assied près de la table. Il y appuie le coude, la tête sur une main pendant que préoccupé, il caresse, caresse sa barbe de l’autre main.
“Tu as quelque préoccupation qui te fait souffrir? demande Marie. Puis-je te consoler?”
“Tu es toujours ma consolation, Marie. Mais cette fois, c’est un gros souci... Pour toi.”
“Pour moi, Joseph? Qu’y a-t-il donc?”
“Ils ont affiché un édit sur la porte de la synagogue. C’est l’ordre de recensement de tous les Palestiniens. Il faut aller se faire inscrire au lieu d’origine. Pour nous, nous devons aller à Bethléem...”
“Oh!” interrompt Marie, en mettant la main sur sa poitrine.
“Cela t’impressionne, n’est-ce pas? C’est dur, je le sais.”
“Non, Joseph, Ce n’est pas cela. Je pense... je pense aux Saintes Ecritures: Rachel, mère de Benjamin et épouse de Jacob, dont naîtra l’Etoile: le Sauveur. Rachel enterrée à Bethléem dont il est dit: “Et toi, Bethléem Ephrata, tu es le plus petit canton de Juda, mais de toi sortira le Dominateur”. Le Dominateur promis à la race de David, il naîtra là...”
“Tu crois... tu crois que le moment est déjà venu? Oh! comment ferons-nous?” Joseph est complètement désemparé. Il regarde Marie d’un regard de pitié.
Elle s’en aperçoit. Elle sourit. C’est à elle-même qu’elle sourit, plutôt qu’à lui. Un sourire qui semble dire: “C’est un homme, un juste, mais un homme. Il voit les choses en homme. Il pense en homme. Aie pitié de lui, mon âme, et amène-le à juger des choses par l’esprit.” Mais sa bonté la pousse à le rassurer. Elle ne ment pas, mais cherche à le distraire de sa peine.
“Je ne sais pas, Joseph. Le temps est proche, mais le Seigneur ne pourrait-il pas le retarder pour t’enlever cette préoccupation? Lui peut tout. Ne crains pas.”
“Mais le voyage?... Qui sait quelle foule! Trouverons-nous un bon logement? Aurons-nous le temps de retourner? Et si... si tu devais être Mère, là-bas, comment ferons-nous? Nous n’avons pas de maison... Nous ne connaissons plus personne...”
“Ne crains pas, tout ira bien. Dieu fait trouver un refuge à l’animal qui doit avoir son petit. Voudrais-tu qu’il ne le fasse pas trouver pour son Messie? Fions-nous à lui. N’est-ce pas? Fions-nous toujours à lui. Plus l’épreuve est grande et plus il faut avoir confiance. Comme deux enfants, mettons notre main dans sa main de Père. Lui nous guide. Soyons-lui tout à fait abandonnés. Vois comme il nous a conduits jusqu’ici avec amour. Un père, le meilleur des pères, n’aurait pu nous apporter tant d’attention. Soyons ses fils et ses serviteurs, accomplissons sa volonté, rien de mal ne peut nous arriver. Même cet édit, c’est sa volonté. Qui est-il donc César? Un instrument entre les mains de Dieu. Depuis le moment où le Père décida de pardonner à l’homme, il a fixé d’avance les événements pour que son Christ naquît à Bethléem. Elle, la plus petite cité de Juda, n’existait pas encore et déjà sa gloire était annoncée.
Il fallait que cette gloire se manifeste, la Parole de Dieu ne saurait mentir – et elle mentirait si le Messie naissait ailleurs – et voilà qu’un puissant se lève, si loin d’ici. Il nous a conquis et veut connaître le nombre de ses sujets, maintenant, et alors que le monde est en paix... Oh! qu’est-ce que notre petite fatigue, si nous pensons à la beauté de cet instant de paix, Joseph? Penses-y: un temps où il n’y a pas de haine dans le monde! Peut-il exister une heure plus heureuse pour le lever de “l’Etoile”, dont la lumière est divine et l’influence est rédemption? Oh! n’aie pas peur, Joseph. Si les routes ne sont pas sûres, si la foule rend difficile le voyage, les anges nous défendront et nous feront escorte. Pas à nous, mais à leur Roi. Si nous ne trouverons pas de refuge, ils nous abriteront sous leurs ailes. Rien de mal ne nous arrivera. Rien ne peut arriver: Dieu est avec nous.
Joseph la regarde et l’écoute, extasié. Les rides de son front s’effacent, le sourire revient. Il se dresse sans ennui et sans tristesse. Il sourit.
“Tu es La Bénie, Soleil de mon âme! Toi, La Bénie, tu sais tout voir dans la lumière de la Grâce dont tu es remplie! Ne perdons pas de temps, alors. Il faut partir, au plus vite et... revenir au plus vite, car tout, ici, est prêt pour le... pour le...”
«“Pour notre Fils, Joseph. Tel il doit paraître aux yeux du monde, rappelle-le-toi. Le Père a entouré de mystère sa venue et ce n’est pas à nous d’en enlever le voile. Lui, Jésus, le fera, quand ce sera l’heure...”
La beauté du visage, du regard, de la physionomie, de la voix de Marie quand elle dit: “Jésus” ne peut pas se décrire. C’est déjà l’extase. Et sur cette extase la vision s’évanouit.»
J’attire votre attention sur trois points
Marie: «Je n’ajoute pas grand-chose, car mes paroles sont déjà un enseignement.»
Aimer c’est satisfaire celui qu’on aime...
«J’attire pourtant l’attention des épouses sur un point. Trop d’unions se défont par la faute des femmes qui n’ont pas cet amour qui est tout: gentillesse, pitié, attention affectueuse, réconfort pour le mari. Sur l’homme ne pèse pas la souffrance physique qui pèse lourdement sur la femme.
Mais sur lui pèsent toutes les préoccupations morales: nécessité du travail, décisions à prendre, responsabilité devant les pouvoirs constitués et devant sa propre famille... Oh! Que de choses ne pèsent-elles pas sur l’homme! Et combien il a besoin lui aussi de réconfort! Et bien, l’égoïsme est tel qu’au mari fatigué, découragé, méconnu, préoccupé, la femme ajoute le poids de ses plaintes inutiles et parfois injustes. Tout cela parce qu’elle est égoïste. Elle n’aime pas.
Aimer ce n’est pas chercher sa propre satisfaction sensible ou intéressée. Aimer c’est satisfaire celui qu’on aime en dépassant la sensibilité et l’intérêt, c’est donner à son esprit l’aide dont il a besoin pour pouvoir tenir ses ailes ouvertes dans les cieux de l’espérance et de la paix.»
La confiance en Dieu
«Autre point sur lequel j’attire votre attention. J’en ai déjà parlé, mais j’insiste: la confiance en Dieu.
La confiance résume en elle les vertus théologales. Qui a confiance, cela veut dire qu’il a la foi. Avoir confiance suppose qu’on espère. Avoir confiance, c’est faire preuve d’amour. Aimer une personne, espérer et croire en elle, c’est là la confiance. Autrement, non. Dieu mérite une telle confiance qui doit être la nôtre. Si nous l’accordons à de pauvres hommes capables de n’y pas correspondre, pourquoi la refuser à Dieu qui ne nous manque jamais?
La confiance est aussi humilité. L’orgueilleux dit: “Je me suffis à moi-même. Je ne me fie pas à celui-ci, parce que c’est un incapable, un menteur, un prétentieux...”. L’humble dit: “Je me fie à lui. Pourquoi ne m’y fierai-je pas? Pourquoi devrai-je penser que je suis meilleur que lui?”. Et avec plus de raison encore, il parle ainsi de Dieu: “Pourquoi dois-je me défier de celui qui est bon? Pourquoi dois-je penser que je puis me suffire à moi-même?” Dieu se donne à celui qui est humble, mais s’éloigne de l’orgueilleux.
La confiance est aussi obéissance. Et Dieu aime l’obéissant. L’obéissance signifie que nous nous reconnaissons pour ses fils et que nous reconnaissons Dieu pour notre Père. Et un père ne peut qu’aimer lorsqu’il est un vrai père. Dieu est notre vrai Père et un Père parfait.»
Aucun événement ne peut survenir sans la permission de Dieu
«Le troisième point que je veux que vous méditiez, se base toujours sur la confiance. Aucun événement ne peut survenir sans la permission de Dieu. Es-tu donc un puissant? Tu l’es parce que Dieu l’a permis. Es-tu soumis à l’autorité? Tu l’es parce que Dieu l’a permis.
Cherche donc, ô puissant, à ne pas faire de ta puissance un mal. Ce serait toujours “ton mal” même si, pour commencer, c’était le mal des autres. Parce que si Dieu permet, il ne permet pas tout, et si tu dépasses les bornes, il te frappe et te brise. De ton côté, toi qui est simple sujet, cherche à faire, de cette condition qui est la tienne, un aimant qui attire sur toi la protection céleste. Et ne maudis jamais. Laisses-en à Dieu le soin. C’est à lui, Seigneur de tous les hommes, qu’il appartient de bénir et de maudire ses créatures.
“Va en paix.”»
Tiré de: «L’Evangile tel qu’il m’a été révélé», T. 1, pp. 172-177



