Apparitions de Tilly-sur-Seulles à Marie Martel
Ce sont des événements merveilleux qui se sont passés, de 1896 à 1899, à Tilly-sur-Seulles, dans le diocèse de Bayeux, que je veux parler.
Après avoir suivi et examiné ces événements de très près, je suis demeuré convaincu qu’à côté de quelques manifestations d’ordre diabolique ou suspectes, il y a là une magnifique efflorescence de surnaturel divin, qui, au point de vue théologique et doctrinal, s’impose avec tous les caractères d’incontestabilité qui peuvent être exigés, et qui, au point de vue de la piété et de la mystique, s’affirme avec une dignité parfaite, un éclat incomparable et une abondance de grâces de premier ordre.
Permettez-moi donc de dérouler succinctement devant vous le remarquable enchaînement de ces faveurs divines et la corrélation admirable qui existe entre elles et les principaux actes du Pontificat de Léon XIII, concernant le culte chrétien, relatifs surtout au Rosaire, à la Sainte Famille, et au Sacré-Cœur.
Dès la fin du mois de mars 1896, les foules commencèrent à affluer sur le plateau favorisé, entraînées par cette attraction, instinctive dans tout cœur chrétien, que fait éprouver le mystérieux divin dont on soupçonne la présence.
Marie Martel, est originaire du village de Cristot, éloigné de Tilly de 5 kilomètres. En 1896, elle avait vingt-quatre ans et travaillait comme couturière à la journée. Elle avait toujours été pieuse et pure, mais sans rien qui la distinguait extérieurement de ses autres compagnes. Ce n’est que plus tard que l’on apprit qu’elle avait été favorisée, avant sa Première Communion, d’une apparition de la Sainte Vierge.
Le 25 avril 1896, elle eut la première vision qui fut de courte durée, mais qui la ravit au-delà de toute expression. La Vierge, d’une beauté toute céleste, était vêtue de blanc, avec une ceinture bleue, un voile sur sa tête, et des roses d’or sur ses pieds nus. A ses pieds, sur une banderole blanche, ces mots étaient écrits en lettres d’or: «Je suis l’Immaculée.»
Trois jours après, la voyante a une nouvelle vision et, depuis lors, elle est souvent favorisée du même bonheur.
A partir des premières apparitions, la voyante commence à avoir sa part, non seulement de Thabor, mais encore de Calvaire: les persécutions, les calomnies, les tracasseries de tout genre l’assaillent de toute part.
Au mois de mai, sa santé devient déplorable; sa vie n’est bientôt plus qu’une longue suite de souffrances. Elle en arrive au point de ne pouvoir plus marcher qu’avec la plus grande peine; cela ne l’empêche pas de se traîner, comme elle peut, au champ de l’apparition.
Une autre partie de la mission de la voyante concerne le plan et les détails de la basilique du Rosaire, entrevue et admirée par les voyantes de l’école. Il avait été donné de bonne heure à Marie Martel de la contempler, mais pour ainsi dire accidentellement.
Dans le courant de l’année 1897, elle la revoit dans des circonstances véritablement exceptionnelles.
Le 22 mai 1897, à peine en extase, elle tombe à genoux et marche ainsi l’espace de quelques mètres, dans la direction de la clôture qui sépare le champ d’un herbage situé derrière l’ormeau. Après quelques invocations à la Sainte Vierge, elle se relève, toujours en extase, et s’approche de la barrière en planches. Son regard devient très brillant. «Ah! Que c’est beau! S’écrie-t-elle, que c’est beau! On ne pourra jamais construire rien d’aussi beau!» A ce moment, on distingue nettement, dans ses yeux, l’image de la basilique.
Or, vers la fin du mois de septembre, la Vierge fait apparaître un jour, aux yeux de la voyante, une banderole tenue par deux Anges, sur laquelle sont inscrits, à la suite, ces mots: - Mystères joyeux - Mystères douloureux - Mystères glorieux - puis, elle lui annonce que désormais, en récitant le Rosaire, elle devra méditer les mystères, ce à quoi la jeune fille répond qu’elle ne les connaît pas. Alors cette bonne Mère pousse la condescendance jusqu’à se faire elle-même l’institutrice de son enfant.
Le 30 septembre [1897], elle commence par lui montrer – mais seulement pendant quelques instants – une longue bande blanche, sur laquelle est inscrite, de haut en bas, toute la suite des mystères. Le lendemain, 1er octobre, la Vierge se montre de nouveau, tenant entre les derniers doigts de ses mains la même inscription, écrite en caractères cursifs. La série des mystères et des grâces à demander commence en haut, tout près des doigts de La Vierge. Au fur et à mesure qu’une dizaine est achevée, la bande s’enroule jusqu’au mystère suivant, que la voyante lit à haute voix, puis elle continue à réciter les Pater et les Ave, en se fixant sur les grains du Rosaire qui glisse entre les doigts de la Vierge.
Le texte de ces mystères continuera à être montré à la voyante, jusqu’à ce qu’elle les eût appris de mémoire et pût les réciter sans se tromper.
Elle avait été prévenue longtemps à l’avance du jour où la Vierge bénie lui apparaîtrait pour la dernière fois; aussi, était-ce avec la plus vive appréhension qu’elle voyait arriver cette date redoutable. Immense fut la douleur qu’elle ressentit, ce jour-là, lorsqu’à la fin de son extase elle eut conscience que c’était fini et qu’elle ne reverrait plus, en ce lieu, celle qui lui avait procuré un bonheur si intense, dont elle aurait consenti à payer la prolongation, au prix de souffrances encore mille fois plus grandes que celles qu’elle avait eu à supporter!
Avant de disparaître pour toujours, la Vierge lui accorda, comme dernière faveur, de contempler un tableau de la Sainte Famille, d’une conception absolument remarquable.
En établissant l’Association universelle de la Sainte Famille, Léon XIII avait prescrit de conserver dans chaque maison une image représentant ce sujet et de prier devant, tous les jours. Mais comme il n’y a pas, dans l’Eglise, de type traditionnel et uniforme pour représenter la Sainte Famille – les uns la représentent pendant la fuite en Egypte ou en voyage, les autres dans l’atelier de Nazareth, etc. – Léon XIII mit ce sujet au concours, à l’occasion de l’Exposition de Turin, en 1898, avec l’intention d’adopter officiellement le modèle qui serait jugé répondre le mieux à l’idée-mère de la dévotion, qui sert de base à l’Association susdite. En définitive, aucun des nombreux projets présentés ne fut approuvé.
Au contraire, lorsqu’en 1900 on mit sous les yeux du Souverain Pontife une toile représentant la sainte Famille, telle qu’elle avait été vue par Marie Martel, Léon XIII en fut aussitôt émerveillé, et manifesta le désir de garder ce tableau pour ses appartements particuliers. RP. Lesserteur, professeur de théologie
(Extrait congrès marial de Fribourg.)
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