La Croix glorieuse et la Venue glorieuse du Christ
Dozulé
L’ouvrage de Marie de la Passion, Dozulé 1970-1979, La Croix glorieuse et la Venue glorieuse du Christ, avec la Bible et les saints (Ed. du Parvis, 2018), offre une paisible réflexion, biblique ou spirituelle, qui s’appuie sur les deux ouvrages de référence sur le sujet, parus en 1997, le premier étant écrit par Madeleine Aumont qui dit avoir eu les «apparitions», et le second étant écrit par le curé de l’époque des faits, l’Abbé Victor L’Horset. Voici ces livres disponible à la librairie du Parvis:
Madeleine Aumont, Cahiers de Madeleine, Journal intégral inédit, relatifs aux événements de Dozulé, 1970-1979, Œil, Paris, 1997.
Abbé Victor L’Horset, Dozulé, 1970-1978, récit inédit d’un témoin, De Guibert, Paris 1997.
Après avoir situé Dozulé dans le contexte français, comme un prolongement des 5 grandes apparitions du XIXe siècle, Marie de la Passion comprend que le centre des messages de Dozulé est l’annonce de la Venue glorieuse du Christ. La prière quotidienne enseignée à Dozulé l’exprime d’ailleurs très bien:
«Voici la prière que Jésus me dictait tout doucement:
Pitié mon Dieu, pour ceux qui te blasphèment, pardonnent-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. Pitié mon Dieu pour le scandale du monde, délivre-les de l’esprit de Satan. Pitié mon Dieu, pour ceux qui te fuient, donne-leur le goût de la sainte Eucharistie! Pitié mon Dieu pour ceux qui viendront se repentir au pied de la Croix Glorieuse, qu’ils y trouvent la paix et la joie en Dieu notre Sauveur. Pitié mon Dieu pour que ton règne arrive, mais sauve-les, il est encore temps. Car le temps est proche et voici que je viens. Amen. Viens Seigneur Jésus.»
Cette prière simple annonce la Venue glorieuse du Christ, le Maranatha de l’Eglise: «Car le temps est proche, et voici que je viens. Amen, Viens, Seigneur Jésus»… Et, à Dozulé, cette annonce se fait dans une très grande joie… Citons par exemple, le mardi 12 juin 1973, dans la chapelle Saint-Joseph, Jésus apparaît à la place du tabernacle avec ce message: «Dites ceci à haute voix: Je suis le premier et le dernier et le vivant et tout ce qui vous a été donné. Je suis l’Amour, la Paix, la Joie, la Résurrection et la Vie.»1
L’Antichrist doit se manifester d’abord, ce qui explique sans doute que le jour et l’heure de la Venue glorieuse (la Parousie) seront toujours incertains. C’est peut-être à cause de cela que la hiérarchie juge (sans vraie enquête canonique) les faits de Dozulé comme définitivement incertains2, un jugement assorti de plusieurs interdictions locales concernant les brochures et les célébrations eucharistiques sur la butte. Marie de la Passion fait état de manière détaillée de ces jugements et de ces interdictions.
Pour nourrir son analyse, l’auteur puise ses repères dans mon livre La Venue glorieuse du Christ, véritable espérance pour le monde (Ed. du Jubilé 2016). Cet ouvrage explique ce que les Eglises d’Orient n’ont jamais oublié, la Venue glorieuse du Christ est essentiellement une bonne nouvelle pour les justes sur la terre: anéantissement de l’Antichrist (2 Th 2,8) et vivification des justes (He 9,28).
Or, l’Eglise romaine est tributaire de Luther, de saint Thomas d’Aquin et de saint Augustin qui ont fait oublier cette perspective. Le jeune saint Augustin décrivait encore, dans son sermon 259, la Venue glorieuse du Christ comme un 7e jour, sur la terre, avant le 8e jour d’éternité. Mais ensuite, au tournant du V e siècle, il considéra tout cela comme incertain. Au XIIIe siècle, les manuscrits de saint Irénée étaient fort rares, et se trouvant plus dans les monastères que dans les bibliothèques universitaires, saint Thomas d’Aquin n’a fait que suivre saint Augustin, et, en fait, surtout Lactance, réduisant la Venue glorieuse du Christ au jugement. On en arrive ainsi à notre époque, où, dès que l’on parle du retour du Christ, on craint «une secte millénariste».
En 1992, le Catéchisme de l’Eglise catholique se préoccupe de l’erreur («millénariste») qu’il faut éviter, à savoir toutes les illusions idéologiques d’un Règne de Dieu sur la terre avant la grâce très spéciale de la Venue glorieuse du Christ. Ces illusions font le jeu de l’Antichrist3. D’où viennent ces illusions? Quelle est leur logique?
L’illusion concerne le règne de Dieu dont on imagine pouvoir imposer avant la Venue glorieuse du Christ, ce qui suppose d’anéantir soi-même l’Antichrist, alors que le Christ nous demande de ne pas arracher l’ivraie avant sa Venue (Mt 13) car justement, seule la Venue glorieuse du Christ anéantira l’Antichrist (2 Thes 2,3-12).
Paradoxalement, cette dérive prend sa source dans la prière chrétienne elle-même – «Notre Père… que ton règne vienne» – dès lors que l’on fait silence sur l’attente chrétienne «Maranatha». Il est donc nécessaire d’enseigner que la Venue glorieuse du Christ est une vivification pour ceux qui l’attendent (He 9,28) et la possibilité du royaume de Dieu sur la terre comme au ciel puisque justement tout le système de l’Antichrist sera détruit (2 Thes 2,3-12), «Babylone» sera démolie (Ap 17-18).
Lorsqu’ils commentent les Ecritures au sujet des derniers temps, les pères de l’Église parlent du 7e et du 8e jour: le 7e jour, qui est «comme mille ans», accomplira la création sur cette terre, et ensuite viendra le 8e jour, l’éternité. On lit encore cette doctrine dans un sermon du jeune saint Augustin4; malheureusement, à la fin de sa vie, il n’en parlera plus5.
Oublier le 8e jour rend impossible une compréhension correcte du Paradis telle que l’enseigne la foi de l’Eglise, car cet oubli conduit à rêver d’un paradis matériel sur la terre éternellement! (Témoins de Jéhovah?)
Oublier le 7e jour (la Parousie) rend impossible une compréhension correcte en la promesse contenue dans la prière du Notre Père: on cherchera à établir le «Règne de Dieu sur la terre comme au ciel» par les seules forces humaines, ou bien, autre solution, on sera cynique et nihiliste, oubliant la Parousie et imaginant que de toute façon le monde est voué à la disparition et qu’il n’y a aucune espérance à avoir pour ce monde qui passe…
Oui, il est grave de ne plus enseigner l’espérance chrétienne et d’oublier la correcte compréhension de la Venue glorieuse du Christ, cela peut conduire au nihilisme, aux messianismes politiques, à la dictature de l’Antichrist…
Ainsi expliqué, le message de Dozulé, loin d’être porteur d’une dérive sectaire, pourrait être au contraire l’antidote de bien des violences faites au nom du règne de Dieu.
Auparavant, Marie de la Passion a présenté les apparitions de la Croix glorieuse et la demande d’en élever une – à vrai dire d’une taille exceptionnelle – avec un sanctuaire à la base.
Dozulé annonce une grande joie «il ne restera que Paix et Joie.» (Promesse de Jésus, le 1er vendredi du mois de mars 1974)6. La Croix glorieuse en est la clé, car c’est sur la Croix que Jésus a vaincu le Prince de ce monde, et le signe du Fils de l’homme accompagnant sa Venue glorieuse est le signe par lequel l’Antichrist est ses suppôts seront jetés dans l’étang de feu tandis que les justes resteront sur la terre où ils pourront reprendre leur rang parmi les créatures, s’accoutumer à l’éternité, et offrir au Père un monde accomplissant le but pour lequel il a été créé.
La construction d’une Croix glorieuse semble inutile à ceux pour qui la Venue glorieuse du Christ est synonyme de fin du monde (mais si tel était le cas, on voit mal ce qu’ajoute la Parousie à la mort individuelle de chacun!). Dès lors que l’on comprend que la Parousie est un septième jour (qui est comme mille ans) qui nous prépare au 8e jour (l’éternité), alors les constructions terrestres ont encore du sens. Marie de la Passion tente d’en explorer le sens.
L’auteur commente aussi la dimension eucharistique des messages, le rôle de saint Joseph et la neuvaine au Christ Rédempteur dans le temps de Noël. Il s’agit d’une neuvaine qui ressemble étonnamment à la neuvaine au Christ miséricordieux reçue par sainte Faustine (laquelle est à dire à partir du Vendredi saint, – sainte Faustine est encore inconnue en France à l’époque des faits de Dozulé). Dans la perspective de la Venue glorieuse du Christ, une telle neuvaine prend toute sa force – afin qu’un maximum de gens ne soient pas trouvés piégés par l’Antichrist…
Consciente des questions qui seraient soulevées par une croix monumentale dans un pays soumis aux lois de laïcité, Marie de la Passion termine son ouvrage par une série de réflexions dont l’intérêt dans un dialogue interreligieux dépasse largement le cadre de Dozulé.
Françoise Breynaert
Notes:
1. Cahiers de Madeleine, Ibid., p. 76.
2. Réponse de la Congrégation de la doctrine de la foi (Mgr Ladaria) à l’évêque du lieu, Mgr Boulanger, le 25 juillet 2011.
3. Catéchisme de l’Eglise catholique, § 675-676.
4. Saint Augustin, Sermon 259.
5. Saint Augustin, La cité de Dieu, livre XX.
6. Cahiers de Madeleine, Ibid., p. 96