Fatima nous couvre du manteau de la lumière de Dieu
Le pape François à Fatima les 12-13 mai 2017 pour le centenaire des apparitions
Le pèlerinage que vient d’effectuer le Saint-Père à Fatima pour honorer le centième anniversaire des apparitions a été d’autant plus dense qu’il a été court, à peine vingt-quatre heures, comme pour Paul VI lors de la célébration du cinquantenaire.
Il s’inscrit dans la continuité, le sixième depuis 1967. François est donc parti dans le sillage de ses prédécesseurs dont Jean Paul II (1982, 1991, 2000) et Benoît XVI (2010). Encore un pontife qui, en tant que tel, n’a pu aller à Lourdes avant de se rendre à Fatima. C’est dire l’importance que la Providence y attache.
La veillée du 12 mai: le recueillement, la consécration du Pape
Avant de quitter Rome, selon son habitude et celle de saint Jean Paul II, François a adressé un messagevidéo de cordial salut à la nation portugaise où il se présente comme «Pèlerin de l’espérance et de la paix avec Marie», et demandant «la proximité du cœur et de la prière» de la part de tous.
Arrivé à 17h15 à la base militaire de Monte Real, distante de 44 km, où il a été reçu par le Président M. Rebelo de Sousa et le Patriarche de Lisbonne, le cardinal M. Clemente notamment, après avoir rencontré des enfants et des malades et prié dans la chapelle N.-D. de l’Air, il s’est rendu par hélicoptère à Fatima où l’esplanade de la Cova da Iria bien remplie l’attendait, dont quelque 1000 enfants autour de la Capelinha.
Sa jeep blanche s’y immobilise à 19h24, au son des cloches, des chants et vivats chaleureux. Accueilli par l’évêque de Leiria-Fatima, Mgr dos Santos Marto, divers cardinaux, l’épiscopat portugais au complet, le recteur du Sanctuaire et la meute des photographes, il s’avance jusqu’à la vénérable statue, lui offre un bouquet de roses blanches symbolisant «les frères et sœurs du monde entier que Jésus en son sang a confié à mes soins», et debout devant elle, demeure en prière sept minutes, dans un silence monacal impressionnant, son regard fixant avec gravité et piété celui de la Vierge de la Paix, apparue il y a cent ans dans le «Berceau de la Paix [Cova da Iria]». Il contemple son regard bienveillant, voit sa couronne où est enchâssée la balle de l’attentat d’il y a trente-six ans…
Puis, il introduit la prière en s’adressant d’une manière très émouvante à la Vierge (v. l’encadré), qui commence par ces mots: «Salve Regina…, sous le signe de ton Cœur Immaculé, Refuge et Chemin vers Dieu, Pèlerine de la Lumière qui vient à nous par tes mains, je rends grâce à Dieu qui opère en tout temps et tout lieu dans l’histoire humaine…» Et, au gré des chants intercalaires, il énumère les intentions et vœux pour lesquels il est venu, adjurant la Vierge de miséricorde de les exaucer. Puis, à la fin, il ouvre son propre cœur de pape, disant à sa mère et souveraine: «Je me confie à Toi. Uni à mes frères, par Toi je me confie à Dieu, ô Vierge du Rosaire de Fatima.» Après quoi, en gage de son amour, il offre à la Vierge une nouvelle Rose d’Or, comme l’avait fait Benoît XVI, déposée sur une tablette adjacente, églantier émergeant d’un vase avec rameaux et quatre roses, dont la principale, rayonne de l’ensemble. Il s’avance encore et touche à nouveau son pied virginal, la contemple longuement, comme s’il ne pouvait s’en détacher, chantant avec la chorale et la foule qui l’acclame. Enfin, revêtu de l’étole, il prononce la Bénédiction du peuple assemblé, puis se retourne, s’en va La toucher encore, se signe à nouveau, quitte comme à regret, mais heureux, le parvis sacré, descend, se dirige vers les enfants qui l’attendent, puis repart vers la Casa do Carmo où il doit loger. Il est 20h05.
La veillée de prière
Après s’être restauré, il revient peu après 22 heures à la Capelinha au milieu de la même foule, descendant de la papamobile pour saluer divers pèlerins. Il salue la Vierge, effleure son pied, s’assied face à elle, demeure en silence cinq autres minutes, puis inaugure la prière vespérale, qui sera celle préconisée par elle: le saint Rosaire, tandis qu’un immense chapelet lumineux a été suspendu au fond de l’esplanade entre ciel et terre, au-dessus de l’entrée de la basilique de la Sainte-Trinité. Au chant du Venite adoremus, que le Pape accompagne, il allume son flambeau au cierge pascal, communiqué de là aux prélats voisins, puis à la foule entière, de sorte que la Cova devient une mer de lumière.
Le Saint-Père se retourne ensuite face à la foule, estimée à 500 000 pèlerins, et prononce une seconde prière, plus générale, où il commence par appeler la pitié de la Madone sur les déshérités de la terre: «… Je sens que Jésus vous a confiés à moi, et je vous embrasse et vous confie tous à Jésus… Mère douce et attentive à tous ceux qui sont dans le besoin, qu’elle leur obtienne la bénédiction du Seigneur… Cette bénédiction s’est accomplie pleinement dans la Vierge Marie, puisqu’aucune créature n’a vu resplendir sur elle le visage de Dieu comme elle, qui a donné un visage humain au Fils du Père éternel, et nous pouvons le contempler dans tous les Mystères du Rosaire, selon ce que disait Paul VI: “Si nous voulons être chrétiens, nous devons être marials, en reconnaissant le rapport essentiel qui unit la Vierge à Jésus et nous ouvre le chemin vers lui.” Mais de quelle Marie s’agit-il?» Et François de nous mettre en garde contre les fausses interprétations d’elle-même. «Si la miséricorde ne nie pas la justice, chaque fois que nous regardons Marie, nous voulons croire en la force révolutionnaire de la tendresse et de l’affection… Que chacun de nous puisse devenir avec Elle signe et sacrement de la miséricorde divine, qui pardonne tout et toujours.» Et il achève: «Chantons avec Marie les miséricordes du Seigneur; en Toi, l’unique possibilité d’exaltation est que ta Mère me prenne dans ses bras, me couvre de son manteau et me place près de ton Cœur!»
Le moment est venu de réciter le Chapelet en chrétienté, avec les Mystères joyeux, en priant pour le Saint-Père (il le demande tant!) et toutes ses intentions. Ceci dans les principales langues européennes et d’autres, comme l’arabe, l’ukrainien, le coréen. Sans oublier, à la fin de chaque dizaine, le Gloria chanté en élevant les cierges, et la prière demandée par la Vierge le 13 juillet 1917: «O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés…», François s’est à nouveau assis; la caméra se fait discrète jusqu’au bout, respectant son attitude.
Et après l’ultime bénédiction et avoir embrassé la statue, l’auguste Pèlerin s’en va se reposer pour la lourde matinée qui l’attend. Il est déjà 23h20.
Le Pape parti, la cérémonie reprend, avec la première procession de la Vierge de la Capelinha, au milieu de l’océan de son peuple, flambeaux toujours en main, comme pour l’escorter, au son des chants habituels. Les flashes crépitent de partout. La soirée se poursuivra tard dans la nuit, avec la messe célébrée par le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat de François, qui insiste, en son homélie, sur la force de la prière qui peut arrêter le mal, et sur le fait que le message de Fatima garde toute son actualité. La célébration achevée, les pèlerins les plus vaillants adoreront l’Eucharistie jusqu’à l’aube, selon la tradition en vigueur depuis les origines du pèlerinage.
La canonisation de François et Jacinthe
En ce samedi 13 mai 2017, la célébration tant attendue depuis des décennies est enfin arrivée. Le soleil enveloppe tout le paysage, et sur le fond bleu du ciel se détache la haute silhouette de la façade et du clocher de la basilique du Rosaire, surmonté de la couronne mariale et de la croix. De chaque côté de la façade ont été déroulés les portraits géants des deux pastoureaux en pied, Jacinthe à gauche, François à droite, auréolés. La foule se masse peu à peu, jusqu’à emplir toute l’esplanade, soit près de 600 000 pèlerins, dont beaucoup d’étrangers (parfois venus de loin: asiatiques, sud-américains…), ce qui atteste l’universalité du message répandu.
Tout commence, peu avant onze heures, avec la seconde procession de la statue de la Vierge, scintillante au soleil, le lourd brancard constellé de fleurs blanches, surtout des roses. Les porteurs parviennent à le hisser sur la plate-forme du nouveau podium plus près de l’assistance. Pendant ce temps, le pape François est entré dans la basilique pour vénérer les sépultures des trois voyants et rendre hommage à leur foi si ardente. Puis il débouche sur le parvis et vient se placer au milieu des nombreux prélats, en avant d’une foule de prêtres au sol.
La salutation inaugurale étant faite, le moment capital du pèlerinage pontifical arrive, tandis que retentit le Veni Creator: après la demande rituelle de canonisation au nom de l’Eglise, la lecture par Mgr dos Santos Marto des mérites des deux bergers et l’imploration des saints en leurs litanies, le Saint-Père proclame leur sainteté, tandis que sont déposées au pied de l’autel les reliques respectives. Les acclamations retentissent, tous les yeux fixant les deux grandes effigies des nouveaux saints. Il est exactement 11h27. Puis viennent les lectures, presque invariables: l’Apocalypse (12.5): la Femme réfugiée au désert avec son Enfant; l’épître aux Romains (5,17): les justes régneront dans la Vie, derrière le Christ-sauveur; le court évangile en saint Jean (19,26-27): «Femme, voilà ton fils; [fils] voilà ta mère.» L’homélie du Saint-Père associe les trois textes, en commençant par ce qui en sera le thème dominant: «La femme ayant le soleil pour manteau», thème profond de tout le pèlerinage, et finalement de tout le message de Fatima, ce soleil étant le Christ, Dieu fait homme, venu nous sauver pour nous faire accéder à la Lumière éternelle. (C’était la trame de notre livre «Les grandes heures de Fatima»). A partir de la vision prophétique de Jean à Patmos – le pape François, en un raccourci saisissant, a su déceler l’essentiel du message fatimide: «Fatima est surtout ce manteau de lumière qui nous couvre quand nous nous réfugions sous la protection de la Vierge» donnée à dessein pour mère universelle à la croix. Et le Saint-Père de répéter: «Nous avons une Mère! Cramponnés à Elle comme des enfants, vivons de l’espérance fondée sur Jésus, seul auteur du don de la grâce salvatrice.» Et d’ajouter: «Fixons [en lui] notre espérance, comme une ancre, un levier de la vie de chacun. Forts de cette espérance, nous remercions le Ciel de ses innombrables bienfaits déversés partout en ces cent années. Nous avons comme exemples saint François et sainte Jacinthe Marto, que la Vierge Marie a introduits dans la mer immense de la lumière de Dieu pour l’adorer.» Et le pontife de s’immerger lui-même dans Fatima en évoquant la terrible vision de juillet 1917 montrant les dégâts de la future seconde guerre mondiale: «… Merci, frères et sœurs, de m’accompagner! Je ne pouvais pas ne pas venir ici pour vénérer la Vierge Mère et lui confier ses fils et ses filles. Sous son manteau, ils ne se perdent pas; de ses bras viendront l’espérance et la paix dont ils ont besoin et que je demande pour tous…». Et il achève en rappelant les paroles célèbres de saint Jean Paul II: «Sous la protection de Marie, nous sommes des sentinelles du matin, qui savent contempler le vrai visage de Jésus Sauveur et redécouvrir le visage jeune et beau de l’Eglise…»
Aucune messe du 13 ne s’achève sans l’adoration eucharistique, en référence à la troisième apparition de l’Ange, porteur de la sainte Eucharistie, et à la demande mariale d’édifier une chapelle.
Auparavant, le Pape s’adresse aux malades présents, leur disant: «Vous êtes un trésor précieux de l’Eglise», et que «Jésus va passer parmi vous dans le Saint-Sacrement pour vous manifester sa proximité et son amour; Dieu est Père et ne vous oublie jamais.» Effectivement, le lourd ostensoir en forme de soleil, est porté jusqu’à eux, et, par quatre fois, François le prend personnellement et le montre de près aux infirmes présents et silencieux. Instants très émouvants pour tous. Les chants d’adoration traditionnels alternent avec les litanies et le Tantum ergo. La cérémonie d’ensemble est alors presque terminée. Et le Pape veut récompenser l’évêque de Leiria-Fatima en lui offrant un magnifique calice en or.
La séparation générale est hélas proche, non sans que la Mère réunisse une dernière fois ses enfants autour du Père commun. C’est l’instant solennel de l’illustrissime Chant des adieux, toujours profondément poignant. La statue est reprise en mains, descendue du podium à pas lents et elle s’immerge au milieu de la multitude de ses enfants, qui l’acclament, lui lancent à perpétuité bouquets et pétales de fleurs, l’invoquent encore, sans parler de ceux qui ne peuvent retenir des larmes de reconnaissance et d’espérance. Se joignant à eux, le Saint-Père a sorti son mouchoir blanc en signe d’au revoir, ainsi que ses deux cérémoniaires, et, à l’unisson du Peuple de Dieu, prélats et prêtres se joignent à la «foule apocalyptique» dont parlait Paul VI, pour chanter leur indicible amour envers Celle qui est notre «refuge et chemin», notre dernier recours…
Parvenue à la Capelinha, la statue est disposée face à la foule qui chante le Regina Cæli du temps pascal et elle reprend sa place sur son piédestal à l’abri des balles.
Epilogue<