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Sur sa porte on avait écrit: «Futur saint»

Auprès de Jean Paul II

Les Editions du Parvis publie un nouveau livre: Auprès de Jean Paul II, ses amis et collaborateurs racontent. Voilà l’originalité de ce livre.

L’auteur, Wlodzimierz Redzioch, qui a vécu auprès de Jean Paul II durant tout son pontificat, précise l’objectif de son livre dans l’introduction:
«Au début, le fait qu’un Polonais puisse occuper le siège de Pierre me semblait extraordinaire, mais je n’arrivais pas à comprendre la grandeur humaine et spirituelle de Wojtyła. Cependant en vivant auprès de lui et de ses collaborateurs, à un certain moment, je me suis rendu compte que c’était un saint. Et plus j’en avais des preuves et moins j’en parlais: j’avais l’impression de violer un secret.
Maintenant que l’Eglise a reconnu ce que beaucoup avaient compris, j’ai eu envie que ses collaborateurs racontent de vive voix l’histoire de saint Jean Paul II. Par ce livre, j’essaie de faire connaître Karol Wojtyła, l’homme, le prêtre et le Pape, raconté par les personnes qui ont été auprès de lui, qui l’ont servi et aidé à écrire l’histoire de l’Eglise et du monde.
Les personnes que j’ai interviewées racontent leur rencontre avec Karol Wojtyła, dans certains cas, avant même qu’il ne devienne pape, durant les moments de joie et de souffrance, de doute et de certitude, en bonne santé ou malade. Découvrez-y maintes histoires et anecdotes inédites, qui vous permettront de savoir avec quel grand cœur Karol Wojtyła a aimé Dieu et l’humanité.»

Voici le témoignage de Mgr Andrzej Maria Deskur
Eminence, quand avez-vous connu Karol Wojtyła?
J’ai connu Karol Wojtyła déjà durant la lointaine époque de 1945 à Cracovie. Nous étudiions ensemble au séminaire métropolitain: lui en quatrième année et moi en première année. En 1946 la nouvelle se répandit que Wojtyła allait être ordonné prêtre et envoyé à l’étranger pour étudier. C’était une grande reconnaissance, mais personne ne l’enviait, parce que tout le monde l’aimait bien et reconnaissait sa grande intelligence, sa solide préparation et profonde spiritualité. Durant nos études nous habitions ensemble et nous avions appris à nous connaître. Tout le monde rivalisait pour faire avec lui les promenades hebdomadaires, car nous en revenions enrichis. Un jour quelqu’un a écrit sur la porte de sa chambre: «Karol Wojtyła: le futur saint». Cela semblait une plaisanterie; en vérité cela reflétait l’opinion que déjà alors nous avions du jeune Wojtyła. Et maintenant ce fait devient symbolique. Je ne sais pas si quelques-uns de ses compagnons de séminaires ont raconté cette anecdote durant son procès de canonisation.
La veille de son départ, Karol était venu chez moi pour me demander si ce n’était pas risqué d’envoyer à l’étranger un jeune prêtre comme lui. Je lui avais répondu: «Dieu ne court jamais aucun risque, parce qu’il tient tout dans sa main. Ne t’inquiète pas: il te porte toi aussi dans sa main.»
C’est ainsi qu’il partit pour Rome… Vous êtes-vous perdus de vue?
Pas exactement. Nous nous sommes rencontrés durant les travaux du concile Vatican II: moi j’étais théologien, d’abord conciliaire, puis comme auxiliaire, et comme archevêque de Cracovie (voir dans livre). Je participais avec lui à toutes les réunions des commissions dont il était membre.
Monseigneur Wojtyła était bien vu partout, parce qu’il avait un trait de caractère très appréciable: il n’était pas polémique. Avec lui on ne pouvait pas se disputer, parce que lorsqu’on discutait avec lui, seules les preuves comptaient.
Quand Paul VI mourut et, tout de suite après, Jean Paul Ier, vous aviez déjà une grande expérience de la Curie et vous connaissiez bien les cardinaux réunis pour le nouveau conclave. Vous attendiez-vous à l’élection d’un cardinal non italien?
Non seulement je m’attendais à élection d’un cardinal non italien, mais je pensais concrètement à un cardinal qui était l’archevêque de Cracovie.
Je voudrais mieux m’expliquer: on sait que le nouveau Pontife a été élu par les cardinaux, mais, en un certain sens, son grand électeur est aussi son prédécesseur, qui a choisi les membres du Collège cardinalice, déterminant ainsi le résultat du conclave.
Paul VI appréciait beaucoup le cardinal Wojtyła et je dirais que, d’une certaine façon, il le prépara à lui succéder. D’abord, il le désigna comme prédicateur des exercices spirituels au Vatican, pour que la Curie romaine apprécie son grand savoir et sa profonde spiritualité. Puis il le nomma rapporteur du Synode sur l’évangélisation. Ce fut une surprise pour tout le monde, parce qu’on s’attendait à quelqu’un provenant d’un pays de mission.
Mais de cette façon les cardinaux du tiers - monde purent aussi connaître l’archevêque polonais et apprécier son zèle pastoral et missionnaire. Enfin ce n’est pas la moindre des choses, que le pape Montini encourage le cardinal Wojtyła à voyager dans le monde pour apprendre à connaître sur le terrain la réalité des Eglises locales.
Eminence, lorsque Jean Paul II est apparu pour la première fois à la loggia de la basilique Saint-Pierre, vous vous trouviez dans un lit au centre hospitalier universitaire Gemelli…
Je dois admettre que lorsque j’ai compris à l’hôpital que j’allais être paralysé pour toujours, j’en ai ressenti un grand choc. Le paralytique est quelqu’un de prisonnier de son corps, et privé de liberté. C’est seulement la prière qui m’a permis de surmonter ce moment difficile et d’accepter mon invalidité. Quand je suis rentré chez moi, je suis parti en retraite, et après avoir quitté ma charge de président du Conseil pontifical des communications sociales, j’ai reçu une lettre personnelle du Saint-Père qui commençait par cette phrase: «Maintenant tu sais quelle est ta mission dans l’Eglise…» Il s’agissait de la mission de prière, la mission de tous les malades et de tous les souffrants. Le Pape m’a beaucoup aidé par cette lettre.
Je voudrais savoir si votre maladie ne vous a pas empêché de maintenir des rapports étroits et personnels?
Pas du tout. Chaque dimanche je déjeunais avec le Saint-Père dans son appartement; et de temps en temps il venait chez moi. La fête de saint André et mon anniversaire, constituaient des rendez-vous fixes chez moi. Un des moments les plus dramatiques pour Jean Paul II et ses amis fut certainement le 13 mai 1981, le jour de l’attentat de Ali Agca sur la place Saint-Pierre… Cet acte criminel laisse encore une part d’ombre, quant à l’agresseur et ses mandataires.
Le 12 mai au soir, peu de gens se rappellent que le Pape, comme tous les prêtres, durant la prière du soir lisait le passage de la lettre de saint Paul, où il est dit: «soyez tempérés, veillez. Votre ennemi, le diable, comme un lion rugissant se promène, en essayant de vous dévorer…» J’en conclus évidemment que c’est le diable qui a voulu «dévorer» Jean Paul II, et cela me rend indifférent à l’enquête et de savoir de «quelle main» et de quels «mandataires» il s’est servi. Satan a certainement utilisé la main d’Ali Agca, mais il y a une autre main qui a dévié le projectile. C’était la main de la Madone. Jean Paul II en était convaincu et durant son second séjour au centre hospitalier universitaire Gemelli durant le mois de juillet 1981 il se fit apporter l’enveloppe avec le texte original du «troisième secret» de Fatima écrit par Sœur Lucia, en relevant la coïncidence entre le jour où on avait voulu l’assassiner et l’anniversaire de la première apparition de la Vierge. Depuis ce jour le Pape, en parlant de l’attentat, disait toujours: «une main a tiré et l’autre a dévié la balle».
Jean Paul II ne voulait pas que vous soyez désœuvré et il vous a nommé président de l’Académie pontificale de l’Immaculée. Quelle tâche vous a-t-il confiée?
L’actuelle Académie pontificale de l’Immaculée s’occupe de l’étude des dogmes et du culte à la Vierge Marie, mais aussi du travail pastoral.
Jean Paul II tenait beaucoup à l’académie parce que rétablir la vénération de la Mère de Dieu dans l’Eglise était une de ses priorités, car son culte s’était affaibli à cause d’une erreur d’interprétation des enseignements du concile Vatican II.
En second lieu, le Saint-Père était convaincu que la nouvelle évangélisation devait passer nécessairement aussi par les sanctuaires dédiés à la Vierge Marie.
L’Europe est depuis toujours la «terre de la Madone», et les sanctuaires ainsi que les centres de spiritualité qui lui sont dédiés s’y trouvent partout disséminés.
Je me souviens des paroles de Monseigneur Wojtyła, quand il était encore archevêque de Cracovie: «Les sanctuaires mariaux sont un patrimoine de l’Eglise, parce qu’ils sont les lieux où on proclame la Parole de Dieu et où les sacrements sont dispensés, ce sont des centres de prière et de rassemblement des fidèles dans un contexte plus large que la paroisse; ce sont des lieux, où les expériences des pèlerins s’entrecroisent avec le mystère de Marie, les expériences de la nation, de la patrie, de la région, et où ils rencontrent l’amour de l’Eglise et de sa Mère».
Eminence, pendant neuf ans vous avez été membre de la Congrégation pour la cause des saints. On accusait Jean Paul II d’avoir proclamé trop de saints et de bienheureux. Que ne répondait le Saint-Père à de telles critiques?
Quand je lui manifestais ce désappointement, il me répondait tranquillement que l’Eglise existait vraiment pour engendrer et susciter des saints. Il n’y a jamais assez de saints dans l’Eglise!
Pour beaucoup de gens Jean Paul II a été «saint tout de suite».
L’Eglise a ses procédures de canonisation et c’est une bonne chose qu’elles existent, mais moi j’ai toujours à l’esprit ce qui était écrit sur sa porte de jeune séminariste à Cracovie: «Karol Wojtyła: futur saint»

«Auprès de Jean Paul II», pages 61-68

 

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