Le vrai bonheur de l’homme
Père François Zannini
50e anniversaire du Concile Vatican II
En cette année 2012, nous fêtons le cinquantenaire de l’ouverture de Vatican II avec ses constitutions au service de l’homme, de la société et de l’Eglise. Pour commémorer cet événement, nous aborderons trois thèmes qui sont d’actualité permanente dans notre société en effervescence techniquement et scientifiquement, mais en décadence moralement. Et comme nous dit Jésus: «A quoi sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme?» (Lc 9,25) Ses trois thèmes sont la création et l’environnement, le couple et la famille et le respect de la vie.
Si l’homme veut avancer techniquement et scientifiquement en méprisant les valeurs morales et spirituelles constituant l’ossature et le fondement de son bonheur véritable, il est certain qu’il court à sa perte. C’est en lisant les Déclarations conciliaires et quelques documents pontificaux traitant de ces sujets que nous réfléchirons à l’avancée de l’humanité sur ces thèmes d’actualité, ou à sa décadence progressive par transgression constante des lois données par Dieu, comme garde-fou pour sa paix, son équilibre, son bonheur, en un mot, sa survie terrestre jusqu’à la fin des temps. L’Eglise veut apprendre à l’homme à gérer la terre et à se comporter en homme libre et digne pour autant qu’il accepte d’être une créature, dépendante de l’univers créé pour elle, et le locataire de biens fournis par Dieu, pour son ascension spirituelle et sa sanctification terrestre en vue du Royaume des cieux.
Respecter la création: c’est aimer le Créateur et ses créatures
Quand Dieu créa Adam et Eve, il leur donna la terre à gérer et à soumettre dans la liberté de l’amour et il leur dit: «Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la.» (Gn 1,28) Soumettre la terre n’est pas la détruire en ignorant les lois de son écosystème, mais c’est comprendre les mécanismes naturels qui régissent les règnes minéral et végétal pour la vie et l’entretien vital du règne animal. L’homme appartient à ce dernier, et il doit s’insérer dans cet univers par l’excellence de son intelligence, orientée vers le bien et la sagesse, et non l’envie effrénée du pouvoir, de la richesse et de la domination orgueilleuse des biens terrestres. Vouloir soumettre les énergies secrètes des forces terrestres et célestes demande une réflexion sur les lois qui les régissent afin de les utiliser à bon escient et en vivre sans porter préjudice à l’homme et à l’avenir des générations futures. C’est ce que Gaudium et Spes de Vatican II souligne: «La nature intelligente de la personne humaine trouve et doit trouver sa perfection dans la sagesse. Celle-ci attire avec force et douceur l’esprit de l’homme vers la recherche et l’amour du vrai et du bien; l’homme qui s’en nourrit est conduit dans le monde visible vers l’invisible...» (Gadium et Spes 15, 2 P 186)
De nos jours, il y a un sursaut dans l’opinion pour la protection de l’environnement et un respect de la terre et de la vie naturelle. En effet, nous n’avons qu’une planète et la saccager au profit d’un productivisme industriel démesuré et d’un capitalisme éhonté serait assurer le suicide des générations à venir. Le Pape Jean Paul II dans son Encyclique, Centesimus annus en 1991, écrivait déjà: «L’homme saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. Il exerce sur la nature une tyrannie provoquant la destruction insensée du milieu naturel.»
Comprendre la vie de la terre et de l’univers par l’homme, c’est restituer la maîtrise de l’univers par ce même homme dans un acte de sagesse qui domine les éléments en les observant, en étudiant les lois de la biophysique, de la biochimie, de la géologie etc. qui régulent l’écosystème dans lequel l’homme vit. L’intelligence n’est pas donnée à l’homme pour dominer la nature en écrasant et en détruisant la flore et la faune, pour produire des plantes saturées de chimie, d’insecticides et de pesticides devenant mortifères par leur toxicité et leur consommation régulière, mais plutôt pour comprendre l’interaction naturelle de la faune et de la flore et des différentes plantes entre elles afin de mieux s’intégrer dans une vraie culture biologique et protectrice de la création et de la créature qui en vit. Jean Paul II l’avait compris en nous révélant tout le problème moral de l’écologie moderne. «On ne peut, dit-il, dans son Encyclique Sollicitudo rei socialis, en 1987, impunément faire usage des diverses catégories d’êtres, vivants ou inanimés – animaux, plantes, éléments naturels – comme on le veut, en fonction de ses propres besoins économiques. Il faut au contraire tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens naturels dans son système ordonné qu’est le cosmos.»
De grands mouvements écologiques sont nés pour protester contre les abus de destruction de la terre, mais en France comme dans d’autres pays européens, l’écologie a été récupérée par l’idéologie marxiste et socialiste avec une tendance anarchiste et libertaire à outrance. On retrouve la plaidoirie pour la régularisation des sans-papiers, la dépénalisation des infractions à la réglementation sur l’entrée et le séjour dans le pays, la fin des zones de non-droit et l’arrêt des expulsions sans oublier l’accès à tous les emplois y compris les emplois réservés et bien évidemment de droit de vote pour tous et à toutes les élections. Puis viendra plus tard, la tentative de dépénaliser les drogues douces. Cette idéologie-là, hier rouge, tente de récupérer l’écologie verte pour faire passer ses idées politiques qui n’ont rien à voir avec la vraie défense de la nature, de la terre, de la faune et de la flore et de la protection de la vie naturelle et environnementale de l’homme. La dérive gauchiste de l’écologie veut faire passer toutes les idées libertaires détruisant l’écosystème naturel et spirituel de l’homme avec le mariage des homosexuels, l’encouragement du Pacs, de la famille monoparentale, de l’adoption d’enfants par des homosexuels et finalement par la destruction de la famille et de ses droits fondamentaux en réfutant la primauté du droit naturel et de l’hétérosexualité en vue du mariage et de la constitution d’une famille. Le paradoxe de notre société libérale est que l’homme revendique le respect de certaines lois naturelles en faveur de la protection de la vie terrestre et cosmique tout en refusant l’adoption des lois morales préservant l’homme dans son intégrité physique, affective et spirituelle.
A quoi sert aux verts et aux écologistes athées de vouloir sauver une terre ou une planète en détruisant l’homme qui l’habite et qui est sensé
la maîtriser et la gouverner dans la sagesse par son intelligence bien éduquée à la vérité et au bien?
Certes, Dieu a donné à l’homme la liberté, et comme le dit si bien Gaudium et Spes: «La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil (Eccl 15,14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude… Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale.» (Gaudium et Spes N° 17 P 188)
Cette liberté est revendiquée par tout homme et surtout par les incroyants, les athées qui entendent diriger leur vie comme ils veulent et non comme ils devraient, refusant la liberté divine et sa Loi éternelle, naturelle, mosaïque d’amour en Jésus-Christ. C’est pourquoi Jean Paul II dira encore: «L’homme croit pouvoir disposer arbitrairement de la Terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a donnée.»
Si aujourd’hui, la crise écologique surgit et qu’un amalgame est fait dans la politique et l’économie humaines, le problème n’est pas seulement moral mais davantage spirituel. En effet, si l’homme moderne refuse de reconnaître le Créateur, il ne peut se considérer comme créature. Il refuse cette dépendance par rapport à Dieu qui donne à tout être, son existence et sa nature. L’homme moderne refusant toute dépendance aliénante, à son avis, veut être son propre créateur. C’est pourquoi l’homme athée refuse la Loi naturelle qui est, selon St Thomas d’Aquin, l’impression de la Loi éternelle dans la créature libre et raisonnable. Il faut donc souligner qu’une éthique ou morale de la Création ne peut pas se séparer d’une écologie humaine. C’est pourquoi, non seulement la terre est donnée à l’homme pour qu’il la gouverne avec sagesse dans le plan divin, mais encore l’homme est aussi donné par Dieu à lui-même pour que, librement, il se gouverne dans l’ordre divin qui est le bien ou le refus de cet ordre qui est le mal. Jean Paul II écrira dans Centesimus Annus: «Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire bon usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donné, mais l’homme, lui aussi, est donnée par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté.» Refuser de reconnaître sa condition de créature a conduit l’homme au péché de révolte contre Dieu, et ce refus continue à travers les siècles à opposer l’homme à Dieu, à la nature et à lui-même.
L’écologie chrétienne ne s’oppose à la vraie écologie comme on l’accuse parfois par ses exigences morales. Non, le Christianisme aime la nature et la respecte. Mais il est évident, écrit Jean Paul II, dans Centesimus Annus que «l’homme est plus animé par le désir de posséder les choses que de les considérer par rapport à la vérité et qu’il ne prend pas l’attitude désintéressée, faite de gratuité et de sens esthétique, suscitée par l’émerveillement pour l’être et pour la splendeur qui permet de percevoir dans les choses visibles le message de Dieu invisible qui les a créées. Dans ce domaine, l’humanité doit avoir conscience de ses devoirs et de ses responsabilités envers les générations futures.» (N°37, p 60)
C’est pourquoi, nous voyons maintenant dans l’homme, un sursaut de conscience et d’instinct de conservation plus que d’amour de la terre. En effet, on prend conscience que les ressources terrestres ne sont pas inépuisables et que la croissance industrielle n’est pas infinie. La pollution de l’air par les fumées d’usines; les hydrocarbures du parc aérien et automobile et du chauffage en hiver; l’agriculture chimique qui érode nos sols et spolie la terre de son microorganisme vital; la pollution nucléaire avec Tchernobyl, Fukushima et d’autres centrales qui ont connu des fuites d’uranium enrichi, faisant des millions de cancers dans le monde, et tous les déchets radioactifs dont on ne sait que faire; le tabac, la drogue, l’alcool, l’alimentation dénaturée et carencée: tout cela a aussi produit des milliers de cancers qui ont doublé depuis 1945. Et les trois quarts de ces cancers sont liés à la pollution chimique et aux polyphosphates (agents conservateurs, colorants, oxydants, résidus chimiques de l’agriculture) incrustés dans l’alimentation moderne.
La destruction de la flore et de la faune de bien des régions du globe est due à la modernisation et à l’industrialisation de l’agriculture. On a vu des cultures intensives soutenues par des traitements chimiques qui ont brûlé la terre, souillé les nappes phréatiques, détruit l’écosystème du sol avec sa faune indispensable à l’action microbienne de surface, fertilisant naturel de l’humus. Voilà pourquoi, l’agriculture biologique reprend de plus en plus de terrain pour créer une rotation des sols, éviter la culture intensive qui épuise et assèche la terre et redonner aux plantes, fruits et légumes, le bon goût du terroir et une saveur perdue.
Le recyclage des matières plastiques, papier, ferraille, textile, verre etc… permet de refaire des emballages, des machines sans épuiser les ressources minières et garder à l’avenir, un potentiel de matières premières, indispensables à la survie des générations futures.
La production d’énergies propres et renouvelables permet de fournir une énergie salutaire à la planète: le solaire, l’hydraulique, l’éolienne, et d’éviter de polluer la terre avec l’énergie thermique, nucléaire ou à hydrocarbure. L’économie d’énergie est aussi indispensable pour éviter l’épuisement des ressources minières et l’appauvrissement énergétique des années à venir.
Tous ces maux humains ont leur origine dans une volonté orgueilleuse d’exercer sur la création une domination absolue. Mais si on veut sauver notre terre, il faut sortir de cette vision purement matérialiste de la terre et de l’homme; il faut quitter ce Panthéisme faisant de notre planète terre, Gaia, une déesse puissante qu’on vénère et qu’on veut respecter par peur de voir l’univers se venger d’être brimé dans ses lois naturelles et cosmiques.
L’homme doit concevoir dans la sagesse que le monde est une création de Dieu et respecter cet univers reçu comme un don de Dieu au service de la vie physique et spirituelle de l’homme. Aussi longtemps que l’homme ne voudra pas reconnaître la terre avec ses lois cosmiques et naturelles et respecter son écosystème en l’exploitant au service de la vie naturelle et humaine; aussi longtemps que l’homme voudra soumettre la terre sans la comprendre et s’enrichir en la détruisant et en profitant de ses biens naturels à des fins égoïstes, alors la création se dégradera progressivement par surexploitation, surproduction abusive et pollution outrancière. Et les maladies de dégénérescence comme le cancer, la dépression nerveuse, les maladies mentales, cardiovasculaires, génétiques et l’abus des drogues et des médicaments chimiques, détruiront peu à peu une grande majorité de la race humaine.
Homme de tous les temps, souviens-toi que Dieu a créé le monde pour l’homme et l’homme pour Dieu. «Je suis l’alpha et l’oméga» (Ap 1,8) dit Jésus sous-entendu le début et la fin de toute vie. Et si l’homme veut bien comprendre dans l’humilité que l’univers est dans les mains de Dieu et que Dieu se révèle aux petits et aux humbles dans la prière et la foi, alors il acceptera de régir ce monde autrement et se laissera guider par son Esprit pour reconnaître que Dieu le Père a tout mis sous les pieds de son Fils et l’a constitué au sommet de tout, tête pour l’Eglise, laquelle est son corps, la Plénitude de Celui qui est rempli, tout en tout. (Eph 1,22) C’est seulement sous ce regard d’écologiste humble et sage que l’homme saura soumettre cette merveille qu’est l’univers et vivre en son sein, selon Pascal, comme un roseau pensant qui devient la conscience du monde élevé jusqu’à Dieu par sa créature digne, sage, libre et responsable.
Père François Zannini