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Remettre l’âme au centre

A partir du Dialogue de sainte Catherine de Sienne

 

Les citations sont tirées de «Dieu nous parle ou le Dialogue de sainte Catherine de Sienne revisité pour notre temps» – Jacques Lonchampt - Editions du Parvis.

On entend souvent cette déclaration: «Il faut remettre l’homme au centre», ceci en rapport avec l’économie qui occuperait toute la place, ou plutôt la cupidité qui se cache derrière ce mot. En effet ne discréditons pas cette science utile pour répartir les richesses selon les critères que nous lui fixons: Maximiser le profit matériel de quelques-uns ou le bien-être des hommes sur terre.

Qu’il faille mettre l’homme au centre semble évident pour une grande majorité d’entre nous. Qui n’est pas d’accord qu’il faille empêcher l’esclavage de l’homme par la machine physique ou économique? Mais malheureusement nous constatons que la mise en œuvre de ce bon sentiment butte rapidement sur les obstacles politiques de nos sociétés riches: «Nous n’avons plus de marge de manœuvre pour prévenir de nouvelles dégradations de nos économies», mais aussi personnels, l’attachement à notre condition acquise. Il est vrai que la plupart d’entre nous considèrent que ce dont nous disposons constitue un minimum nécessaire, et même insuffisant, et qu’on ne voit pas comment on pourrait dégager un surplus pour réduire l’exploitation de notre prochain…souvent pas si proche. 

Remettre l’homme au centre apparaît donc souvent comme un vœu pieu, même si dans nos relations familiales, professionnelles ou associatives nous faisons des efforts pour privilégier la relation d’amour à celle de l’intérêt. Cet aveuglement collectif résulte sans doute de «l’esprit du monde» qui a tout infiltré et souvent sous des formes aseptisées, donc relativement indétectables. C’est pourquoi il est semble important de reconsidérer ce qu’on entend par l’homme.

 

Qu’est ce que l’homme?

C’est sans doute parce que nous ne nous posons jamais cette question, car elle semble évidente, qu’il est difficile d’avancer concrètement. Il règne en effet un consensus inconscient sur ce qu’est l’homme. N’avons nous pas appris à l’école que l’homme descend du singe et qu’il a développé des capacités intellectuelles progressivement, par évolution! Il ne se passe pas un mois sans que la science ne découvre de nouvelles fonctions du cerveau, ce qui confirme bien la merveille insondable qu’est la Création mais ne nous fait pas avancer sur la nature de «l’être» que nous sommes, ni sur son expression, «l’esprit» et «l’âme».

Dans ces conditions comment l’homme moderne peut-il éviter de se prendre pour un «animal pensant»? Cette perception qui imprègne toute la pensée contemporaine est certainement la racine de la déspiritualisation de notre société industrielle et postindustrielle. Si l’homme s’identifie à son corps animal mortel et transitoire, où Dieu éternel peut-il trouver sa place en chacun de nous?

L’apport principal de l’enseignement de Dieu le Père, transmis par la médiation de Ste Catherine de Sienne il y a plus de six siècles, est bien d’avoir donné une consistance à l’homme en précisant sa structure et son fonctionnement. C’est bien pourquoi cet enseignement peut-être qualifié de «scientifique». 

 

L’homme, «la créature douée de raison»

Dieu nous dit: «J’ai créé l’homme, la créature douée de raison, à Mon image et ressemblance pour qu’il ait la Vie éternelle, et participe de Moi et goûte ainsi mon extrême et éternelle douceur et bonté» /211. 

A cette créature individuelle il fait le don d’un esprit: «J’ai donné à l’homme l’être avec tant de feu d’amour, Moi qui suis créateur de toute chose qui participe à l’être, parce que Je suis Celui qui suis» (première personne du verbe être). Genèse 2-7 «Dieu fit l’homme et insuffla dans ses narines l’haleine de vie». Cet esprit est doté de qualités qui sont contenues dans «la coupe de l’âme».

 

Qu’est ce que l’âme?

«J’ai créé l’âme à mon image et ressemblance en lui donnant trois puissances: La mémoire, l’intelligence et la volonté /51»: L’âme est donc clairement le siège de la pensée. Ces «puissances», le mot n’est pas trop fort, donnent véritablement une individualité à la créature: «Je l’ai comblé de dons presque infinis par grâce /17.» Le «presque» indique que Dieu a fait une réserve mais qu’il a pris un grand risque dans son projet de Création, cause sans doute de la chute! Mais comment Dieu pouvait-il introduire de la «créativité» dans son projet de Création sans donner cette liberté à l’homme?

«L’âme n’est pas de nature matérielle, elle est immatérielle»: Ce qui signifie simplement qu’elle n’est pas constituée d’un des quatre champs d’énergie qui constituent la matière selon la physique. Cette déclaration indique qu’il existe un monde «immatériel», qu’on appelle «l’invisible» pour le différencier du mode «visible» de la matière, selon le vocabulaire du Credo de la foi chrétienne.

«Par grâce Je repose dans l’âme, et ma grâce lui donne Vie /12/54. Je me cache dans l’âme en y faisant ma demeure par désir d’amour /33.» Dieu est bien présent en chacun nous depuis l’origine et Il n’est pas ailleurs. 

«L’âme est imparfaite avant d’être parfaite /66», précision importante qui ouvre le champ de l’évolution et de différences entre les hommes sur la terre, même si en essence nous sommes tous identiques.

Mais la grande surprise est que Dieu ait utilisé la même formulation pour définir l’homme et l’âme: tous deux, comme on vient de le voir, étant «créés à mon image et ressemblance»! Que va-t-il donc rester pour le corps?

 

Qu’est ce que le corps? Un instrument

«Le corps est formé du limon de la terre. C’est une chose morte qui n’a pas de vie en soi, sinon ce qu’il en tire de l’âme, et il participe à la Vie tant que l’âme est dans le corps et pas plus. C’est un instrument /127.» Mais un instrument essentiel qui permet à l’esprit de faire l’expérience de la Création matérielle. Nous devons donc en prendre soin en respectant le cadre fixé par sa nature biologique. Notre Créateur fait d’ailleurs quelques observations pour nous guider:

«Le corps est constitué d’une chair fragile qui s’échauffe et corrompt tout l’être par la prise immodérée de nourriture /144.»

«D’où vient que l’homme qui est dans les richesses et très préoccupé de son corps, soit toujours en mauvaise santé, et qu’ensuite embrassant la pauvreté et une vie rude il devienne fort et sain? Rien ne semble plus l’incommoder, ni le froid ni le chaud, ni une nourriture grossière /151.» 

Tout bon artisan ou musicien va entretenir son instrument avec soin pour réaliser son œuvre. Pour réaliser sa mission terrestre l’homme a besoin d’un corps qui fonctionne le mieux possible selon le projet original de Dieu: nourriture saine sans poison, activité physique… Il est heureux que Stella Maris se soit engagé dans le domaine de la santé naturelle et montre l’importance du corps. Nous devons le respecter comme un don de Dieu, indispensable mais «fragile».

 

Cette relation entre l’âme et le corps n’est pas sans tension

«J’ai cerclé de force l’âme dans le corps comme un tonneau, sinon l’âme n’aurait pas pu rester en cette vie physique /13. C’est pourquoi l’âme ne peut se séparer totalement du corps qu’au moment de la mort /79.» Cette tension est symbolisée par la lutte entre l’esprit et la chair…

Dieu est présent dans toute sa Création mais
il y a une hiérarchie

«Je subviens aux besoins de l’âme et du corps mais mon action sur le corps est dévolue au service de l’âme /142.»

Notre société, préoccupée essentiellement par l’accumulation matérielle, bien au delà des besoins réels de l’homme corporel, dévie par rapport à la hiérarchie des valeurs fixée par Dieu pour le fonctionnement de Sa Création. On a vu que toute action effectuée par ce corps temporaire n’a de sens que si elle permet la croissance de l’âme éternelle: de l’imperfection à la perfection. 

«Remettre l’âme au centre» c’est d’abord remettre le corps à sa place…alors «Dieu qui se cache dans l’âme» pourra se manifester dans le monde

L’homme «s’est identifié à l’animal sans raison /140». Il est vrai que nous percevons notre corps comme un objet autonome qui semble nous appartenir en propre; il constitue le lieu de construction de notre «moi» personnel, mais hors de Dieu! En effet, cette perception est à la base du péché originel que Dieu définit comme «ce misérable et abominable amour-propre, amour de soi d’où procède tout mal /17.»

Comme on l’a vu le don de «l’être» nous a bien donné une individualité, et les trois puissances de l’âme (mémoire, intelligence et volonté) impliquent la liberté ou libre-arbitre, mais cependant aucune autonomie; le péché est bien de prétendre pouvoir fonctionner en dehors de la Volonté de notre Créateur. D’où la prière du Notre Père dont le but est de nous remettre à notre place: «Que Ta Volonté soit faite».

 

Quelques citations du Dialogue
pour se convaincre de notre état de dépendance 

A commencer par notre «Maître» le Seigneur Jésus-Christ, que Dieu nous a donné pour nous conduire à Lui hors de notre état dégradé par le Péché. Il est le premier affecté par cette condition de dépendance: «Tout ce que le Christ ma Vérité possède, il le tient de Moi /62..»

L’expérience quotidienne nous prouve aussi notre incapacité à maîtriser notre vie: «En toutes choses vous trouvez l’impermanence et la privation parce que le déroulement des événements n’est pas en votre pouvoir /140.»

Pour finir par l’enseignement de notre Créateur: «Il n’est pas possible d’exister par vous-mêmes /140. Si l’ardeur de ma charité était interrompue, vous ne pourriez plus exister /82.»

«Si vous possédez des richesses du monde, vous devez les posséder comme des choses prêtées et non personnelles, car elles vous sont confiées pour votre propre usage par ma Bonté. Je vous les attribue et vous les laisse pour autant que Je voie qu’elles servent à votre salut /47».

 

Conclusion

Nous voyons peut-être mieux les obstacles à franchir pour réaliser ce désir de «remettre l’homme au centre» dans notre société très perturbée: Enfin, parlons plutôt de l’homme véritable, la «créature douée de raison», esprit doté d’une âme et d’un corps qui ont des fonctions bien particulières à assumer dans le projet de Création.

 

Note: 

1. Ame et Esprit: Dans «le Dialogue» Dieu le Père utilise la plupart du temps le terme d’âme pour signifier l’esprit, c’est à dire notre individualité humaine dotée de «l’être». Ainsi utilise-t-il le terme d’âme pour parler d’un homme en particulier. Mais aussi «L’âme a été créée sœur des anges et doit revenir jouir de la nature angélique /22/32. Elle est un ange terrestre /131». 

 

Littérature: