Le Carême 2011 de Frère Elie
Comme chaque année, le Carême s’annonça une dizaine de jour, avant, par des douleurs musculaires, des vertiges, de la fatigue, si bien que Frère Elie était convaincu de couver une forte grippe. Il ne voulait pas penser à ces troubles, comme signes de cette habituelle, interminable période de souffrance.
Puis, à Salzbourg, les 12-13 mars, il comprit qu’il ne pouvait plus combattre contre son destin et ne pouvait plus se hasarder à manger, parce que son estomac ne gardait plus rien. Il chercha à cacher son désagrément, rassembla toutes ses forces pour la mission qu’il devait faire et le soir, déclarant qu’il était fatigué, il demanda à rester seul dans sa chambre, tandis que les organisateurs se réunissaient pour le souper.
Mardi 22 mars 2011
Alors que nous travaillions dans le cloître en préparation de la rencontre du lendemain, il m’appela et me demanda si j’avais de quoi écrire. Vite, je le rejoignis au réfectoire, m’assis à côté de lui. Il me dicta huit belles prières, en les déclamant comme s’il les lisait.
Mercredi 23 mars 2011
Frère Elie reçut environ 1200 personnes au couvent de Calvi, de 8h 30 du matin jusqu’après 20h, sans s’arrêter à midi. Il ne se lamenta pas pour la fatigue et, le soir, il se mit à discourir avec nous à table, en parlant de choses agréables.
«Je vois que tu n’es pas mal, Frère Elie», lui dit-on, et lui: «C’est toi qui le dis!» Et aussitôt que nous nous sommes levés, il se retira dans sa chambre.
Vendredi 25 mars
Frère Elie a eu un collapsus.
5 avril 2011
Frère Elie a 41° de fièvre – Sueurs froides, jambes tremblantes, mais il ne veut pas rester au lit.
Don Marco, le délégué de l’évêque, l’observe et lui conseille de s’étendre sur le divan, mais Frère Elie continue sa vie comme toujours. Encore 16 jours avant que n’arrive la grande souffrance.
«Frère Elie… N’y aurait-il pas quelqu’un, là, dans les alentours, pour te perturber?»
«Rien n’est encore arrivé, mais il est là… Je le sens.»
Vendredi 8 avril 2011
Ce qui devait arriver est arrivé. Vers 22h 30, hier soir, Frère Elie et les habitants du couvent se retirent, sauf Thomas et Philippe, le jardinier, qui travaillaient sur l’ordinateur. A l’improviste, dans sa chambre, Frère Elie est saisi par une force inhumaine et, comme chaque année, il est brutalement frappé sur chaque partie du corps. Quand Philippe se dirigea vers sa chambre, il lui sembla entendre des lamentations. Préoccupé, il alla appeler frère Thomas et ensemble, ils coururent vers la chambre de frère Elie. La porte était ouverte et… Frère Elie n’y était pas. Ils coururent sur la terrasse et regardèrent en bas… Frère Elie ne se voyait pas.
Entre temps le très fourbe démon l’avait jeté loin, au-delà du mur, à plus de 100 mètres sur l’arrière du couvent, de l’autre côté de la route, à côté d’un énorme, très lourd tas de bois et d’autres mobiliers. S’appuyant de ses mains, Frère Elie chercha à se relever, mais le démon lui tomba dessus à nouveau. Il lui écrasa les mains et le massacra à nouveau, en lui passant sur la colonne le gros rouleau. Frère Elie perdit connaissance.
Philippe chercha une pile, appela les frères et ils commencèrent les recherches. A peine sortis, ils entendirent une voix fébrile sur leur gauche… Ils coururent dans cette direction et quand ils virent un tas de meubles, pierres, fers et le rouleau de bois, ils s’approchèrent. De dessous sortait une partie de la tête sanguinolente de Frère Elie. Une fois encore, l’ennemi n’avait pu achever son œuvre.
Quand Frère Elie rouvrit les yeux dans son lit, il vit devant lui ses trois neveux, déjà passés à une vie meilleure. Ils lui dirent: «N’aie pas peur, oncle, nous restons là, nous, pour te protéger…»
Vendredi 15 avril 2011
Terrible journée pour Frère Elie. Très forte fièvre, douleurs partout, oppression au thorax.
Je l’ai entendu à 20h et de sa voix profonde, sa respiration haletante, je compris d’un coup qu’il était arrivé quelque chose.
Il parlait difficilement en haletant, mais il voulait me dire quelque chose.
«Tu es au lit, Frère Elie?»
«Oui, mais maintenant, je veux descendre… Si je réussis, je voudrais voir le film «La Passion»…
20h 30 – Merci Fiorella, de donner ce mail à Frère Elie.
Très cher Frère,
Pace e bene! Je sais que tu entres dans cette grande semaine en faisant un grand effort… J’ai trouvé une belle parole dans la lettre aux Hébreux 12,1, où on dit que Jésus a pris la Croix en vue de la joie à venir.
Et toi tu fais de même. Ne te préoccupe pas des calomnies (je sais que tu ne t’en préoccupes pas), mais lis cette belle histoire.
Florian est venu à la journée de prière à Hallein, en sachant qu’il n’avait plus que quelques jours à vivre, à cause d’une tumeur au cerveau. De fait, il est mort ce dimanche.
Quand je l’ai vu à l’hôpital, quelques jours avant, j’ai trouvé un homme plein de foi et de joie! Il n’était pas comme ça avant la journée de prière à Hallein.
Merci Jésus pour ton amour pour Florian! Je te remercie aussi toi, Frère Elie, qui as choisi de rendre témoignage de ton amour devant les hommes! Bonne descente et puis bonne ascension avec le Christ ressuscité! P Andréas
Témoignage de la maman de Florian:
Cher Frère Elie,
Vous êtes venu en Australie, à Hallein, et c’est avec admiration que j’ai écouté vos paroles. Il y avait aussi un jeune garçon, Florian Schöberl, de Hallein, pour vous écouter. Florian est resté cinq heures à l’église, sur le premier banc, malgré sa tumeur au cerveau, à écouter tout ce que vous avez dit sur Dieu et sur son rapport avec les hommes. Oui, c’est vrai, on espérait un miracle et de fait, le miracle a eu lieu. Mais pas comme je m’y attendais. Florian qui avait laissé l’Eglise, nous a laissés pour toujours, dimanche, mais avec une si grande foi que nous avons compris que ce miracle était le seul possible, par votre intermédiaire, Frère Elie, et grâce à Dieu. C’est le plus grand miracle.»
Le Père Andreas Bonenberger de Dürnberg lui a parlé avant sa mort et il était enthousiaste en voyant une foi si profonde chez un jeune homme.
Quand tout cela est-il arrivé? Voilà, il n’y a qu’une seule explication: à la rencontre avec vous, à l’église! Quand vous avez béni Florian, vos mains exhalaient un tendre parfum de rose. Merci d’être venu en Australie, à Hallein. Je vous demande la grâce de vos prières pour Florian. Nous aussi, nous devons encore beaucoup apprendre, mais vos paroles nous accompagnent, moi et ma famille, chaque jour. Je vous demande de nous prendre nous aussi dans vos prières, parce que nous aussi nous voudrions devenir plus forts dans notre foi. Merci, merci, merci! Gerda Grundner
Samedi 16 avril 2011
Hier, Frère Elie n’est pas parvenu à voir le film sur «La Passion»… Chancelant il s’étendit lentement sur le divan et s’endormit.
Aujourd’hui, il est toujours mal et la fièvre ne démord pas. Les ouvriers reviendront lundi et il a voulu se lever pour aider frère Thomas à donner à manger aux animaux. Entre fatigue et se tenir debout, il chancela, mais il parvint à finir son travail. Dans l’après-midi, tout souffrant, il est allé cueillir des rameaux d’olivier pour la célébration des Rameaux.
«Mais pourquoi ne te reposes-tu pas, Frère Elie?»
«C’est pareil… et ainsi le temps passe plus vite!»
Dimanche des Rameaux, 17 avril 2011
Frère Elie est plus tourmenté que jamais. La nuit, il ne dort pas, le jour, il ne mange pas. Il boit seulement et parfois, il ne boit même pas d’eau. Ce matin, il saigne du nez, mais il ne veut pas entendre parler de médecins. Ça passera, dit-il.
Comme chaque année, c’est pire que la précédente. Est-ce parce que le monde est en train de se perdre? Est-ce parce que le Seigneur, à travers Frère Elie, veut attirer l’attention en montrant qu’il existe, qu’il nous aime et qu’il continue de souffrir pour nous?
18 avril 2011, Lundi Saint
On pensait qu’entré dans la semaine sainte, tout était fini. Au contraire, lundi matin, à huit heures pour le petit déjeuner au réfectoire, pas de frère Elie. Frère Thomas monta pour voir s’il était dans sa chambre. Peu après nous entendons un grand bruit dans l’escalier et ses cris nous invitent à secourir Frère Elie. Nous le retrouvons derrière le couvent, étendu, ventre à terre, le visage légèrement tourné à gauche. Il était froid et inanimé comme un cadavre. Il était couvert d’un filet métallique, avec dessus, des poteaux de bois et sur la tête il avait un parpaing en ciment (un prisme). Là, à côté, il y avait en fait un tas de bois qui, jusqu’au soir précédent, était en ordre et couvert d’une lé de plastique noir.
On devine que le diable l’ait flanqué du jardin jusqu’au milieu du tas de bois, passant par-dessus le mur de l’enceinte et ensuite qu’il se soit acharné sur lui, jusqu’à le laisser à moitié mort à terre, là à côté. Je l’asperge d’eau bénite. Après quelques instants, je vois qu’il commence à respirer et à se lamenter, mais il ne réussit pas à bouger et on ne peut le toucher, parce que son corps n’est que douleurs. Nous parvenons à passer une couverture sous son corps et à le soulever pour le conduire à la maison. Nous l’étendons sur le divan dans le salon de la communauté. D’autres couvertures sont nécessaires pour le réchauffer. Un peu plus tard, il parvient à grand peine à se tourner peu à peu sur le côté et, d’un filet de voix, il nous conte ce qui est arrivé le soir précédent.
Le diable l’a pris hier soir (dimanche), peu après 22 heures, à moitié de la rampe d’escalier qui conduit à sa chambre, devant la porte qui donne sur le jardin. Il était descendu à la buanderie et la porte était fermée. En revenant d’en-haut, il l’avait trouvée fermée. Il n’a pas eu le temps d’allonger sa main sur la poignée qu’il s’est senti saisi et traîné dehors. Sur son corps, on lit les conséquences de cette lutte inégale. Ses yeux ensanglantés, comme s’il avait reçu des coups de poing. Il a du sang sur le front et sur la main droite. D’un filet de voix, il nous dit que le démon l’a mordu. Il pensait même qu’il lui avait détaché la main. Son corps est si douloureux qu’on ne peut le toucher. Il ne tient pas debout. Thomas tente de lui donner à boire quelques gouttes de thé. Puis il semble s’endormir.
Vers 8h20, ses neveux arrivent avec Maria et Mimmo. Il a des frémissements, comme des convulsions, qui le secouent de la tête aux pieds. Nous nous sentons impuissants, ne sachant que faire. Ils lui imposent les mains dans l’espoir qu’il puisse se reprendre, le peu qui suffit pour interagir et savoir quoi faire.
A l’improviste, il lève la main droite, et lentement aussi la main gauche. Nous le voyons fixer un point au-dessus de lui. Son visage s’illumine et sourit. Sur ses lèvres, je lis: «Marie.» Il est en extase et nous comprenons qu’il a une vision. Tous, nous nous mettons à genoux, en prière autour de lui. Après avoir étendu ses bras ensemble, toujours avec le regard fixé sur le même point, il se lève seul du divan, mais ensuite s’effondre à terre. Nous le soulevons et le couchons à nouveau sur le divan. Lui continue son dialogue avec Marie. Par deux fois il dit «non» avec les lèvres et la tête. Une fois l’apparition terminée, il se lève seul et se dirige vers la chapelle. Nous l’accompagnons en chantant le Salve Regina. Frère Elie s’agenouille au côté de l’autel, devant le tabernacle et, silencieux, reste en prière quelques minutes. Puis il s’assoit. Vu ce qu’il était quelques minutes avant, on ne peut croire à ce qu’on voit, un changement soudain. Il est éprouvé pour la nuit passée en bivouac, mais souriant et les yeux pleins de lumière. Il se tient debout; complètement autonome, comparativement à quelques minutes plus tôt. Il nous parle de l’apparition:
Marie était très belle, elle est apparue au milieu d’une très forte lumière, toute vêtue de blanc, avec un voile sur la tête. Elle lui a demandé d’allonger ses mains, les lui a prises et aussitôt il a senti en lui comme un souffle frais qui lui a ouvert la gorge et s’est diffusé dans tout son corps. Il s’est sentit bien d’un coup, plein de force, comme re-né. La Madone lui a demandé s’il avait peur pour ce qu’il avait subi; s’il était fatigué; s’il sentait qu’il pouvait encore supporter tout ça; et s’il se souvenait encore d’elle. Puis elle l’a rassuré sur sa présence à ses côtés. Rappelant les parfums qui hier transpiraient des pierres du couvent et des sons qui se diffusaient, elle lui a dit que le couvent est leur maison. Elle lui a demandé s’il avait vu tous les autres et s’il avait quelque chose à lui demander. Il a répondu non aux deux questions. Et aussitôt après, derrière la Madone, de très nombreux anges ont passé la tête pour se faire voir. Tandis qu’il prenait sa douche lui est venue à l’esprit la demande qu’il aurait voulu faire à la Madone et qu’il n’a pas faite, parce qu’elle avait déjà répondu, quand elle lui a demandé s’il pouvait envore supporter toutes ses souffrances.
Don Marco Belladelli,
délégué de l’évêque de Terni, pour la Fraternité
des Apôtres de Dieu.
(à suivre)