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Les papes et Fatima

Les grandes heures de Fatima - 3e partie

Cela sur une longue période d’un siècle. Voilà qui est original et méritait d’être traité amplement dans mon livre Les grandes heures de Fatima. Ebauchons ici cette interaction nouvelle entre Marie et sa fille l’Eglise en ses dirigeants.

L’Eglise et le monde en question
Jusqu’à l’Ile-Bouchard, on aurait pu penser que Marie apparaissait en faveur de nations particulières oppressées, surtout la France, Fille aînée de l’Eglise et donc particulièrement visée par Satan. Mais à partir de Fatima, l’universalisme – né de la Guerre de 1914 – aidant, il s’agit de plus en plus des intérêts de l’Eglise catholique (= universelle) et du monde entier, face à des problèmes et dangers désormais mondiaux, telles les grandes erreurs idéologiques et religieuses contemporaines. C’est pourquoi le Seigneur, Roi de l’Univers, veut confondre les «grands», les «puissants» par des êtres innocents et faibles, selon la constante de son enseignement évangélique. La donne a considérablement changé depuis 1900: La terre est passée de un à sept milliards d’âmes; l’économie et la technologie se substituent à la théologie et la spiritualité; la vraie religion du Christ est plus ignorée et persécutée que jamais; l’extrême minorité des riches écrase l’extrême majorité des déshérités; la vie et la famille sont menacées partout. Certes, le monde est sauvé depuis la Rédemption; mais, dans le temps qui dure, le mal, l’inquiétude, les déséquilibres, gagnent partout. Par amour, Dieu continue à sauver sa création, surtout sa Fleur, l’humanité, et intervient en sa faveur pour l’arracher à Satan.
C’est en prévision de ces grands bouleversements prédits par la Sainte Ecriture, que Marie est apparue à Fatima: elle évoque la Seconde Guerre mondiale, l’emprise des systèmes athées, les populations déstabilisées et terrorisées errant sur les routes du globe, la gangrène du Mal (avec la vision de l’enfer, la dénonciation du péché, l’incessante demande de conversion). A ce stade, la mère des hommes et de l’Eglise est envoyée secourir tous ses enfants en danger, des victimes jusqu’aux auteurs du mal (les «pécheurs»). D’où, pour la première fois, en fonction de ces circonstances tragiques, l’appel quasi direct de la Mère aux premiers de ses «fils de prédilection», les papes, bergers suprêmes de la chrétienté. Autrement dit, au mondialisme du mal, elle en appelle à celui du bien, représenté par le Vicaire de son Fils, le Pape, et à l’Eglise, conduite par les évêques unis à lui: la Collégialité épiscopale.

«Aux grands maux, les grands remèdes»:l’appel au sursaut de l’Eglise, la papauté et le Collège apostolique
Le 13 juillet 1917, Marie évoque devant Lucie un pape à venir: «Sous le règne de Pie XI…). Les trois bergers n’ont pas compris, ne sachant pas de qui il s’agissait: quel souverain? A fortiori un pape! Plus loin, elle est davantage explicite, parlant plusieurs fois du «Saint-Père». Plus tard, à l’aide des prêtres, les voyants feront le lien entre «pape» et «Saint-Père». Les premières apparitions de la Vierge (1917) s’achèvent sur la seule expectative de son retour ultérieur: «Je viendrai demander…» Mais quand, où, à qui? Les ans passent, tandis que la troisième partie du secret est enfouie au Vatican pour longtemps… Après la deuxième venue (1925 et la demande de la Dévotion des premiers samedis mensuels), Marie accomplit sa promesse et revient une troisième fois, au soir du 12 juin 1929, dans la chapelle de son couvent de Tuy. Là se réalise la promesse de juillet 1917, quand la Madone lui dit: «Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur immaculé…» Ainsi, d’un bout à l’autre du Message (1917-1929), il est question de la Papauté, de son pouvoir et de ses devoirs, de même que pour le Collège apostolique qui lui est lié depuis les Douze, c’est-à-dire l’Eglise institutionnelle et charismatique. L’Eglise «Mater et magistra» (Jean XXIII), mère et enseignante, responsable de la communauté ecclésiale et humaine, comme le Concile Vatican II l’a bien rappelé.
On ne peut ici retracer l’action des papes de 1916 à aujourd’hui; nos lecteurs en trouveront la trame dans mon livre: Les grandes heures de Fatima, rédigé à dessein. Poursuivons simplement et rapidement leur parcours.
Benoît XV a le premier agi en demandant la paix à Celle qui en est la Reine: elle apparaît à Fatima moins de 15 jours après son appel de début mai 1917. Mais, avant même son intervention, un Ange s’est présenté par deux fois – l’année précédente, celle de Verdun – comme  porteur de paix.
Pie XI reconnaît les apparitions, donne des signes de bienveillance envers la cause de Fatima, dénonce les totalitarismes dont le marxisme athée, mais n’accède pas à la demande de consécration de la Russie, durant la décennie suivant 1929 (†1939).
Pie XII (consacré évêque le 13 mai 1917) est le premier grand pape de Fatima. En 1942 et 1952, il consacre partiellement la Russie, voit se reproduire le miracle solaire en novembre 1950 (lors de la définition du dogme de l’Assomption de Marie), institue la fête du Cœur immaculé de la Vierge (1944), proclame sa royauté universelle (1954).
Jean XXIII est accaparé par le Concile qu’il ouvre en 1962, et meurt dès l’année suivante.
Paul VI, le premier pape à aller à Fatima (1967), achève auparavant Vatican II en proclamant la maternité ecclésiale de Marie (1964), mais ne peut obtenir la consécration collégiale de la Russie. Qui donc y parviendra?

Le «pape de Pologne» Karol Wojtyla-saint Jean Paul II, clé de voûte du message de Fatima
En vérité, bien que la Madone ait cité Pie XI, elle ne pouvait pas réserver la délivrance de son message à un seul pape, puisqu’il valait au moins pour un siècle. Entre 1917 et 2005, 7 papes se sont succédé, mais la réalisation du message a reposé essentiellement sur Pie XII et Jean Paul II, sans que les autres y soient étrangers. La réponse demandée s’est faite peu à peu, au gré des événements, des interventions cachées de Marie et de l’Esprit Saint, jusqu’à ce que la Vierge conduise magistralement Jean Paul II par la main à Fatima, au moyen du fameux attentat du 13 mai 1981. Ainsi, les papes concernés devaient prendre leur part des épreuves sollicitées de tous; trois d’entre eux ont particulièrement souffert: Pie XII, Paul VI, et surtout Jean Paul II, celui que les trois pastoureaux ont vu tant souffrir dans la vision de la lande d’Aljustrel, trois ans avant sa naissance: «L’Evêque vêtu de blanc, accablé de souffrances et de peine, pleurant et accomplissant à genoux la consécration» tant implorée par la Vierge… Ils ont répondu encore au message, l’un après l’autre, en s’agrippant au saint Rosaire, en particulier Benoît XV, Pie XII, si marial, Paul VI, Jean Paul II, nouveau saint Bernard, chantre universel de la Dame du Rosaire.
Il était réservé au dernier grand pape de Fatima de couronner cette épopée; un pontife si extraordinaire dans l’histoire de l’Eglise que je n’ai pas pu ne pas raconter sa sublime vie1.
Il a immergé toute son existence – éminemment sacerdotale comme il l’a dit au Parc des Princes – dans le grand mystère de la consécration, quintessence de la vie du Christ et de Marie, au point qu’il a pris pour devise épiscopale: «Totus Tuus». C’est à ce niveau-là que la Providence est venue à sa rencontre, afin que par le message de Fatima – qui «respire» de bout en bout la consécration – celle du monde et pas seulement de la Russie, soit réalisée par un pape qui non seulement y croyait, mais en avait fait son essence de vie. Au point que Notre-Dame l’a miraculeusement sauvé d’un attentat mortel, en référence à la 3e partie du secret. Jean Paul II consacrait à la Vierge tous les pays visités, toutes les personnes rencontrées. Il plaidait ardemment pour la sainteté des consacrés de l’Eglise. Il a donc réuni en communion de prière deux fois le Collège mondial des évêques pour procéder à la consécration collégiale complète de la Russie, de 1982 à 1984, insistant sur la nécessité de renouveler souvent toute consécration, afin qu’elle perdure. Sa force de consécration était telle qu’il a fait chuter l’empire soviétique, éclater l’Europe de l’est vassalisée, anéanti le marxisme européen.
Il n’a cessé de prôner la prière du rosaire, dans ses écrits et ses actes, y ajoutant les Mystères lumineux; il a initié la pratique des Premiers samedis du mois dès 1979; créé deux Années mariales; pérégriné trois fois à Fatima et y a béatifié François et Jacinthe (2000). Il s’est éteint presqu’en même temps que sœur Lucie. Sa gloire aura été de glorifier la Sainte Trinité par son dévouement et son amour pléniers envers Notre-Dame. Modèle de l’exaltation du rosaire, du vécu de la souffrance et de la consécration, il est le vrai «champion» de la cause de Fatima.
Son exemple a marqué ses successeurs immédiats, puisque Benoît XVI est retourné à Fatima en 2010 et que François va y célébrer le centenaire des apparitions. Ainsi, par Marie, Mater Ecclesiae, et la Papauté, Dieu conjure les maléfices de Satan, pour sa honte et sa perte: «A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera».

Bernard Balayn