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Les grandes heures de Fatima

FATIMA: le livre du centenaire
Du pape Benoît XV à François

par  Bernard BALAYN

A l’occasion de l’année du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima (Portugal), les Editions du Parvis présentent le livre Les grandes heures de Fatima de Bernard Balayn, spécialiste de ces apparitions. Le travail de l’auteur met en relief le message de Notre-Dame du Rosaire à la lumière de l’action des papes qui se sont succédé (de Benoît XV à François). Ce livre apporte un éclairage nouveau et pertinent sur les apparitions de Fatima dont le message est encore tout à fait actuel.

 

La problématique: un monde écartelé entre la peur et l’espérance
Le problème majeur du XXe siècle est la lutte gigantesque entre le Bien et le Mal, la Vérité et le Mensonge, l’Amour et la Haine, la Paix et la Violence. On a aujourd’hui l’impression d’un quitte ou double: qui va l’emporter, Satan ou Jésus-Christ? Nous voici désormais bien au-delà de La Salette ou Lourdes. La perversion du monde tous azimuts paraît être à son comble. Cette atmosphère, le Ciel l’avait pressentie dès le début de ce siècle: en effet la Grande Guerre déjoua tous les pronostics par son terrible acharnement. «Aux grands maux, les grands remèdes»: pour ramener les hommes égarés à la foi et à la raison, Dieu, à Fatima, décida d’en appeler au sommet, à la Papauté.
Je me souviens du centenaire de Lourdes (1958) et de l’inauguration de la basilique saint Pie X, avec une foule considérable, mais pas de pape présent, seulement un cardinal-légat. A Fatima, devant la question étonnée de l’innocente Jacinthe: «Pourquoi le pape ne vient jamais à Fatima?», la Providence et l’histoire ont répondu, trois sont déjà venus: Paul VI, Jean Paul II (3 fois), Benoît XVI; un quatrième va s’y rendre, le Saint-Père François.
Qu’est-ce qui fait donc «courir» les souverains pontifes à la Cova da Iria? C’est que la Vierge y a lancé des appels angoissés à la conversion du monde, lequel a failli périr sous les coups d’idéologies mortifères et qui demeure gravement menacé par trois grands courants destructeurs: la déperdition de la foi; le blasphème de ceux qui caricaturent Dieu en opposant en son sein la haine à la miséricorde; les atteintes universelles à la conjugalité, à la famille et à la vie naissante. Voilà trois défis sataniques majeurs de l’humanité contemporaine que Marie est venue opportunément conjurer en apparaissant à Fatima: c’était un temps s’ouvrant en effet sur l’immense persécution marxiste athée; à partir d’une terre chèrement reprise à l’Islam conquérant (le nom de Fatima rappelle celui de la fille du Prophète); la Vierge s’est manifestée au milieu de familles nombreuses, unies et épanouies, soucieuses de transmettre la vie et la foi dans la sérénité et la durée. Contre ce triple péril, elle a supplié le Collège sacré des évêques de toute l’Eglise, serrés autour des successeurs de Pierre, de consacrer les pays menacés à son Cœur Immaculé de Mère, car, de la Genèse à l’Apocalypse johannique, l’Ecriture a remis à la Théotokos, la victoire finale sur l’orgueil insensé de Satan, le rival caméléon de Dieu.
Parvenus donc à cet anniversaire singulier de 2017, il nous a paru utile d’évoquer ce combat séculaire où se sont affrontées et où s’affrontent encore ces idéologies pernicieuses, à la fois pour la vie éternelle des âmes et pour la vie mortelle de tant d’enfants de Dieu, soumis à des contraintes, des erreurs, des souffrances, des désespoirs souvent inimaginables.

L’appel de Marie à la prérogative du Magistère pontifical
Le Ciel respecte la hiérarchie des pouvoirs: Dieu, sa Parole, Jésus, l’Eglise, Marie, Pierre. Si l’Eglise est l’Epouse du Christ, Notre-Dame en est la mère, depuis le mandat reçu au Calvaire. Toutes deux ont le but et le pouvoir de terrasser l’Ennemi commun: le «pouvoir du Cœur» au service du «pouvoir des clés». Dieu doit passer par Pierre pour gouverner la sainte Eglise, mais avec l’aide de sa Mère: l’amour doit épouser le droit. Telle est la merveilleuse rencontre de Fatima: Pierre et Marie en secours mutuel. S’il y a une telle conjonction de ces deux immenses forces spirituelles, unique dans l’histoire de l’Eglise, c’est dire la gravité de l’état du monde et des enjeux actuels. Tel est le grand mystère d’Amour de Fatima. Et il fallait bien essayer d’aborder ce mystère.
C’est ce que tente ce nouvel ouvrage, après trois autres déjà: retracer si possible, dans sa globalité, le parcours long, mais de plus en plus senti et transcendant, de l’alternance: questions-réponses entre les appels marials de Fatima et la réciprocité attendue des papes et des évêques vis-à-vis de leur Mère. D’où le titre du livre: «Les grandes heures de Fatima, du pape Benoît XV à François, de 1916 à 2017», en ce centenaire, également, de la clôture de l’Année de la Miséricorde. Car Fatima pourrait se résumer à cette équation, un Message de miséricorde: Marie agit toujours dans la perspective du Salut, étant absolument et fondamentalement relative à la Trinité et à l’humanité par sa vocation maternelle.
On pourrait objecter, cependant: pourquoi «grandes heures», si le monde a été souvent et cruellement éprouvé durant les décennies de 1910, de 1940 et des suivantes? Parce que nous vivons dans l’ère de la Rédemption, celle de la joie, de l’espérance, du Salut déjà acquis par la Croix, et qu’en vertu des mérites infinis du Christ, le monde a échappé à Satan, par la médiation voulue et agissante de Celle qui est au cœur de la Très Sainte-Trinité. Marie est Mère de la Grâce, de la Vérité, de la Miséricorde, de la Foi, de l’Espérance, du Bel Amour. Elle est cette «petite fille qui porte sur ses frêles mais sûres épaules, le salut de l’humanité», selon la pensée de Bernanos. Fatima est une épopée extraordinaire. Elle mérite bien qu’on puisse y consacrer les forces d’une vie.
Il est absolument certain que si le Message fatimide avait été mieux écouté et appliqué, depuis longtemps le monde serait dans la félicité. Donc, au-delà des péripéties et des épreuves de l’humanité, ce livre avait le devoir – sans négliger les failles: il faut être fidèle à l’histoire – de monter plus haut et de considérer les chefs d’œuvre, que, malgré tout, Marie a accomplis durant ce siècle si haché de conflits, mais toujours renaissant à la grâce par ses interventions. Il faut le reconnaître en vérité: sans la miséricorde divine, et sans l’intervention de la nouvelle intrépide Judith, de la nouvelle courageuse reine Esther, que serait devenu notre monde? Ainsi, de pontificat en pontificat, nous avons essayé de montrer comment, à l’inspiration permanente de la Vierge, les chefs suprêmes de l’Eglise, qui ont autorité sur celle-ci et détiennent le magistère de la Vérité, ont répondu à ses appels maternels. Le départ a certes été lent, mais, à partir des années 40, les papes, dans des circonstances souvent dramatiques, ont eu la lucidité et le courage, d’obéir dans la foi à ce que commandait le message «prophétique, évangélique, urgent, actuel, extraordinaire» de Fatima, comme l’a si bien défini Jean Paul II en 1982 à la Cova da Iria. Ils l’ont fait aussi dans la prière, la confiance et le sacrifice. Trois papes se distinguent dans cette épopée: Pie XII, qui, en pleine tourmente, a osé le premier, consacrer l’Eglise, le monde et la Russie au Cœur Immaculé de Marie, Paul VI, le premier aussi à oser pérégriner à Fatima, et surtout, l’«Evêque vêtu de blanc»: le futur Pape «accablé de souffrances et de peines» que les bergers ont vu dans la lande d’Aljustrel avant même sa naissance, le pape par excellence de Fatima, saint Jean Paul II, dont nous avons raconté l’histoire précédemment sans occulter sa référence mariale et fatimide spécifique1. L’action de ce pontife a donc été relatée en fonction de l’importance que la Providence y a elle-même accordée, c’est-à-dire un bon quart de l’ouvrage. Ainsi, par son réalisme historique, cet ouvrage n’est pas un roman, ni une hagiographie, mais le miroir aussi fidèle que possible d’un pan crucial de l’histoire chrétienne du monde et de notre temps.

La trame du livre
Tout part de la «dépression» portugaise dans les années noires consécutives à l’assassinat du roi Charles Ier en 1908; l’expérience anticléricale du pays paraît être le «laboratoire» de ce qui va se passer à vaste échelle en Russie dix ans plus tard, sans oublier le Mexique (1927). Puis, après l’intervention de la Virgo fidelis eu égard à la fidélité du peuple à sa foi ancestrale et à son amour pour Marie, intervient la lente mais sûre émergence du fait «Fatima» dans l’Eglise et le monde, surtout au moment où Pie XII constate que les annonces de la Vierge se réalisent point par point. Le déclic de la réaction ecclésiale s’opère à partir des premières consécrations de Pie XII, puis, le Rubicon est franchi le jour où, en 1967, tandis que l’URSS fête le 50e anniversaire de la Révolution bolchevique, Paul VI décide de se rendre à Fatima, priant la Vierge de venir en aide à l’est européen persécuté. La Vierge exauce sa prière et son Fils met ensuite sur le trône de Pierre le Pape sorti de l’est, Karol Wojtyla, lequel, avec le rosaire, les consécrations successives, sa foi et sa ténacité, parvient à faire sauter le verrou marxiste de son pays natal et, par là, dans tout l’empire soviétique, qui se désintègre en 1989. Toute cette évolution pacifique porte le sceau marial, sauf l’attentat contre le Pape; là encore, Marie signe son intervention en le sauvant d’une mort certaine. Le pape Benoît XVI en recueille les fruits; il vient lui aussi à Fatima jusqu’à ce que son successeur, François, vienne fêter ce centenaire de grâces.
Telle est la fresque que le lecteur est invité à méditer en lisant ces pages, qui ont exigé de serrer au plus près la vérité non seulement historique, mais aussi ecclésiale, surtout quand il est question d’en finir avec les doutes fallacieux, inutiles et nuisibles sur le fameux secret, doute qui ne sert pas la vraie cause de Fatima.
Au préalable, pour les nouvelles générations, on a eu le devoir de rappeler – rapidement – l’histoire minimale des apparitions, de montrer le haut témoignage de foi des jeunes voyants, qui ont vécu selon l’esprit et la lettre les demandes mariales pressantes. Parallèlement à l’exposé serré du développement par les papes du charisme de Fatima, surtout Pie XII et beaucoup plus encore par Jean Paul II, on a décrit l’essor prodigieux du Sanctuaire et des immenses pèlerinages, au gré de l’action des évêques locaux et des recteurs, dont le plus fécond durant 35 ans, a été celui du Père Luciano Guerra, à qui nous sommes redevables de la magnifique préface du livre, que les
lecteurs apprécieront grandement. Il reste en effet le meilleur connaisseur du message de Fatima, il sait donc ce qu’il dit, ayant par ailleurs obtenu de Sœur Lucie deux des six mémoires sur les apparitions et la vie des pastoureaux2. Nous le remercions d’avoir composé sa première préface, pour ce livre, justement. Voici un grand honneur pour ce dernier.
Nous exprimons notre gratitude à l’éditeur et à son équipe qui ont permis la sortie de cet ouvrage élaboré avec grand soin et agrémenté d’un conséquent cahier photo de 32 pages – la plupart en couleurs – qui  retrace l’histoire de ces cent années. Le livre comporte des Annexes variées, donnant les principales allocutions des papes, dont celles, presque introuvables, de Pie XII, jusqu’aux joyaux que constituent les textes consécratoires de Jean Paul II. Y figurent la relation complète du Secret, son interprétation correcte par le cardinal Joseph Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ainsi qu’un fac-similé de l’écriture authentique de Sœur Lucie à ce propos. On trouvera aussi les cartes et plans nécessaires, une chronologie détaillée permettant de reconstituer le canevas historique de l’épopée, une bibliographie essentielle.
Ce livre est enfin, on l’aura compris, une action de grâce pour les merveilles du Seigneur et de sa Mère, accomplies en notre temps. Mais il n’aurait pas été possible sans notre dette envers toutes les personnes qui ont concouru, au fil des années, à cette phase ascentionnelle d’un apostolat de plus de quarante ans au service de Notre-Dame en général et de sa démarche de salut à Fatima en particulier. Je dois notamment beaucoup à Monsieur l’Abbé André Richard, l’introducteur de Fatima en France, qui nous a honorés de son amitié, de son soutien et son expérience; aux nombreux prêtres, pères-abbés, religieuses qui nous ont fait confiance, ainsi qu’aux évêques de renom, tels ceux de Fatima, comme Mgr Alberto do Amaral et Serafim Ferreira e Silva, jusqu’à celui d’Auckland! aux fidèles qui, de conférence en conférence, nous ont aidés à tenir année après année; à l’Apostolat Mondial de Fatima, notre «famille» spirituelle, dirigée à Rome. Et, au Vatican, les encouragements personnels de saint Jean Paul II, rencontré et encouragé à chaque offrande de nos livres, ceci au service de la sainte Eglise. Tel est l’essentiel: travailler en Eglise pour l’Eglise. Du haut du ciel, il bénira bien cet ouvrage pour lequel nous l’avons invoqué si souvent.
Enfin, je ne saurais achever sans remercier les miens de leur compréhension et de leur aide, au premier chef, mon épouse Angélique, si patiente et bonne conseillère.
Dieu, à Fatima, a conclu comme une nouvelle alliance avec son peuple 3. Il lui a demandé sa confiance et sa fidélité comme chez les vrais époux. L’Eglise, Epouse du Christ, a répondu à l’appel, mais pour réaliser le triomphe promis, elle a toujours besoin d’une réponse accrue au vigoureux appel de 1917. L’Epoux céleste l’attend de nous tous pour poursuivre le chemin, qui n’est pas semé que de roses… Si ce livre a pu contribuer pour peu que ce soit à cette marche vers le triomphe du Cœur de Marie, il n’aura pas été vain. Merci d’avance aux lecteurs et que Dieu les bénisse.

Bernard Balayn

Notes:
1. Jean Paul II le Grand, Prophète du IIIe millénaire, Ed. du Parvis, 2011.
2. Sans oublier qu’il a présidé à l’émergence de l’ensemble du site de Fatima, dont les deux basiliques, la Capelinha modernisée,  le grand centre Paul VI, etc.
3. L’arc-en-ciel du 13 octobre 1917 en est le signe.